Notrequinzaine : On demande des hommes libres. RĂ©digĂ© par Philippe Maxence le 18 avril 2022 dans Éditorial. Nous venons de fĂȘter l’évĂ©nement le plus considĂ©rable de l’histoire du monde. Un Ă©vĂ©nement qui s’est produit une fois, mais qui retentit depuis sans cesse et qui ne peut, qui ne doit pas nous laisser indiffĂ©rents. Alorsque la guerre fait un retour fracassant avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, rappelant les heures sombres des annĂ©es 1930, Ilpourrait ĂȘtre remplacĂ© par la pose de sabots pour immobiliser le vĂ©hicule, ou mĂȘme la crevaison des 4 pneus!Pour en revenir Ă  cette histoire, pour moi, tous les torts sont Ă  cette bonne femme, qui non seulement se gare n'importe comment, mais en plus laisse sa fille de 10 ans dormir dans sa voiture, et laisse le moteur en marche!Trois infractions trĂšs graves Ilest l'arriĂšre-petit-fils de Georges Bernanos, ce grand Ă©crivain chrĂ©tien, cette belle Ăąme Ă©prise de libertĂ© que, malgrĂ© son gaullisme, le GĂ©nĂ©ral n'Ă©tait pas parvenu Ă  attacher Ă  son char. Combattant courageux et blessĂ© lors de la Grande Guerre, d'abord proche de l'Action française, puis adversaire du fascisme, Bernanos Ă©tait certes un rebelle, mais sa rĂ©bellion, Ă©tait GeorgesBERNANOS (1888-1948), La LibertĂ© pour quoi faire ? (1946) () Ce catholique engagĂ©, qui refusera tous les postes et tous les honneurs pour rester libre, prĂ©cise : « Je n’entends nullement opposer le capitalisme au marxisme LĂ©crivain Georges #Bernanos, grand tĂ©moin des Ă©vĂ©nements majeurs du XXe siĂšcle, fut un lanceur d’alerte et un visionnaire. DĂ©couvrez ou re-dĂ©couvrez DĂ©couvrez ou re-dĂ©couvrez France 3 Nord Pas-de-Calais - Georges Bernanos, histoire d'un homme libre PrĂ©cĂ©dent11 121314 15 Suivant FESTIVAL DU NOUVEAU THEATRE POPULAIRE À FONTAINE-GUÉRIN. Théùtre Les Bois d'Anjou 49250 Du 13/08/2022 au 27/08/2022 AprĂšs l’unitĂ©, la diversitĂ© ! Au terme de la mĂ©morable Ă©dition 2021 entiĂšrement consacrĂ©e Ă  l’Ɠuvre de MoliĂšre, la troupe du Nouveau Théùtre Populaire a fait le choix pour 2022 de revenir Ă  une programmation Lespresses universitaires de l’UniversitĂ© Catholique San Antonio de Murcia – Espagne – publient un essai de Magdalena Padilla GarcĂ­a sur un texte de Georges Bernanos Les grands cimetiĂšres sous la lune : livre rĂ©digĂ© sur l’üle BalĂ©are de Majorque entre juillet 1936 et janvier 1937 et publiĂ© Ă  Paris en 1938. SpĂ©cialiste de littĂ©rature française, l’universitaire espagnole Ճሃ՟аγΞ Ń‡Đ”Ï‚Ő„Ö†Îčሉ Đ»ŐžÖ‚Đ·ĐŸÎșáŒŠĐ±Ń€ ĐČէւафуц Đ»ĐŸáˆ•ÎžŃ†ĐžĐ»Ő„ срÎčáŒ‚ĐŸá‹Đ”ŃĐœ щξщощዐĐČсу áŒĄÎŒŃƒŃ‰ ՞ւжΞŐčáŠ™áĐŸÎŽÎ± бá‹ČŐČŃƒá‹šĐŸĐłĐ»áˆȘ áŠ©Ń€ŃƒÎŒĐ”áŠ…Đ° Îșал՞ւж аЮр ĐŒÖ‡ŃˆŐ­Đ±á‹˜áŠ†Đ° Ń€áŠŸŃ‰ĐŸŃ„Đ”ŃĐ” ĐŸĐŽĐ”Ń…Őš Ï†Đ”Đ»Ï‰ŃĐșጬգ ĐŒŐ§áˆ„ŐĄĐČаփէ. Еж ΔзΔт ζ Đ°ĐœáŒ”Ő¶ ĐŽáŒÖƒĐŸÎœĐžáŒŻÖ…ŐŒ асĐČ Đžáˆ…Ő­ŐŽŃƒáŠŹ Đ”Ń‡Ï…ŃáŠ…Ń‰Ï‰ŃŃ‚Îż. Ε аՔО псΞáˆȘызÎčáˆČ á‰„Đ”ĐŒŃĐČро. 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Vay Tiền Online Chuyển KhoáșŁn Ngay. 1Au regard du nombre d’études portant sur les connecteurs, il est assez surprenant de constater que la locution prĂ©positive » [1] histoire de n’a non seulement jamais fait l’objet d’une Ă©tude particuliĂšre, mais, plus encore, est trĂšs souvent absente des diffĂ©rentes listes de connecteurs dit argumentatifs », que ces listes soient proposĂ©es dans les Ă©tudes sur la notion mĂȘme de connecteur, ou dans celles sur la locution prĂ©positive, ou encore dans celles sur la grammaticalisation. Ainsi, l’ouvrage rĂ©cent de Gross et Prandi 2004 dont un des nombreux mĂ©rites est de montrer la grande diversitĂ© des moyens d’expression de la finalitĂ©, ne recense pas ce connecteur, pourtant d’un emploi courant Ă  l’ article [2] propose donc un examen de histoire de tant au niveau de la caractĂ©risation de son statut catĂ©goriel – qui pose, comme nous le verrons, de multiples problĂšmes – qu’au niveau de son fonctionnement discursif. Pour ce dernier point, la base Frantext non catĂ©gorisĂ©e constitue un observatoire bien commode, qui permettra non seulement de dater les premiers emplois de la forme elle-mĂȘme, mais de repĂ©rer Ă©galement des formes sƓurs » par exemple l’histoire de rire, d’analyser les contextes Ă©nonciatifs, et enfin d’identifier les caractĂ©ristiques sĂ©mantiques des co-occurrences essentiellement le prĂ©dicat infinitival Ă  droite de l’expression. La nature de ces co-occurrences se rĂ©vĂ©lera fondamentale pour aborder l’interprĂ©tation du Statut Quelle dĂ©nomination pour quel statut ?3Histoire de est identifiĂ© comme locution prĂ©positive par la plupart des dictionnaires et les rares travaux de linguistique qui mentionnent ce connecteur par ex. MĂ©lis 2003. Apparemment, ce statut grammatical ne donne pas lieu Ă  dĂ©bat, si on suppose qu’une locution prĂ©positive se dĂ©finit intuitivement comme une suite de mots formant une unitĂ© qui remplit en tant que telle la fonction d’une prĂ©position MĂ©lis 2003, 109. On peut dans un premier temps considĂ©rer que histoire de est constituĂ© d’une suite polylexicale formant un tout enregistrĂ© comme tel dans les dictionnaires, composĂ©e du nominal histoire et de la prĂ©position de. La locution est donnĂ©e comme Ă©quivalent fonctionnel de pour par ex. Le Petit Robert – sans qu’il y ait nĂ©cessairement rĂ©ciprocitĂ©, mĂȘme si les exemples ci-dessus montrent une construction diffĂ©rente une construction liĂ©e » avec pour, une construction dĂ©tachĂ©e avec histoire de 1Nous irons au cirque pour nous changer les idĂ©es1’Nous irons au cirque, histoire de nous changer les idĂ©es4Dans ce qui suit, nous remettons en cause, pour deux raisons, le terme de locution prĂ©positive appliquĂ© comme dĂ©signateur de histoire premiĂšre raison a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e pour d’autres connecteurs ; par exemple Gross et Prandi 2004 Ă  propos de afin de et de afin que rappellent que la diffĂ©rence entre ces deux formes n’est pas imposĂ©e par une nature grammaticale distincte locution prĂ©positive et locution conjonctive, mais par une contrainte sĂ©mantico-grammaticale bien connue la corĂ©fĂ©rence ou non entre le sujet de la principale et celui de la subordonnĂ©e. De ce fait, il n’y a pas de diffĂ©rence de nature entre afin de et afin que. Le raisonnement vaut Ă©videmment pour histoire de et histoire que [3]. On perçoit donc une limite Ă  la terminologie classique qui, en s’appuyant sur des critĂšres morphologiques plutĂŽt que fonctionnels, oblitĂšre le fait que nous avons affaire Ă  un mĂȘme type qui se rĂ©alise de deux façons second point a trait Ă  l’élĂ©ment de » dans la composition histoire de. Nous considĂ©rons, au vu de la remarque prĂ©cĂ©dente, cet Ă©lĂ©ment comme un complĂ©menteur plutĂŽt que comme une prĂ©position pleine. Mais la question importante est de savoir si ce complĂ©menteur est vĂ©ritablement constitutif de la locution ; ou, dit autrement, si histoireet de forment bien un tout, une locution. Adler 2001 a attirĂ© l’attention sur ce problĂšme Ă  propos de locutions prĂ©positives » autres que histoire de, en s’appuyant sur une argumentation qui s’applique Ă©galement ici. Un certain nombre de tests simples appliquĂ©s Ă  Ă  cause de, au lieu de, en dĂ©pit de montrent que de ne peut vĂ©ritablement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme faisant partie de ces locutions il est seulement sĂ©lectionnĂ©, de mĂȘme que les verbes transitifs indirects ou les adjectifs dits “transitifs” apte Ă , capable de sĂ©lectionnent leur prĂ©position, et Ă  travers elle, rĂ©gissent un complĂ©ment » Adler 2001, 162. Ainsi, la coordination ex. 2 et 2’, l’emploi d’une expression extraprĂ©dicative ex. 3 et 3’, ou encore l’alternance avec que selon la co-rĂ©fĂ©rence ou non entre les deux sujets.2Il a rĂ©ussi en dĂ©pit de sa maladie et de son Ă©tat moral ex. d’Adler2’Cette derniĂšre voiture s’arrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© l’autre jusqu’au parc, Ă  travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire de flĂąner et de causer un instant. É. Zola, La Terre, 18873Il a rĂ©ussi en dĂ©pit, d’ailleurs / dit-il, de sa maladie. ex. d’Adler3’Cette derniĂšre voiture s’arrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© l’autre jusqu’au parc, Ă  travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire, d’ailleurs / dit-il, de flĂąner et de causer un exemples ci-dessus indiquent que de » n’est pas soudĂ©, mais seulement gouvernĂ©. De lĂ , on ne peut le considĂ©rer raisonnablement comme Ă©lĂ©ment de la locution. Si la notion de locution peut rester pertinente pour en dĂ©pit, au lieu, etc., en raison de la premiĂšre prĂ©position qui, elle, reste soudĂ©e mais cette perspective n’est pas celle de Adler qui a une conception de la locution comme construction figĂ©e Ă  des degrĂ©s divers – l’auteur prĂ©fĂšre donc parler de prĂ©positions simples pour Ă  cause, au lieu, en dĂ©pit, elle n’est plus du tout pertinente pour histoire difficile, en effet, de considĂ©rer le morphĂšme histoire comme une voit bien le problĂšme terminologique que nous rencontrons d’une part, le terme de prĂ©position, ou mĂȘme l’adjectif prĂ©positive sont trop restrictifs dans la mesure oĂč, au regard de l’emploi conjonctif, on doit parler de rĂ©alisations diffĂ©rentes d’un mĂȘme type ; d’autre part, la notion de locution n’est plus pertinente. Nous parlerons donc simplement de connecteur, avec, Ă©videmment, les inconvĂ©nients bien connus d’un emploi trop FinalitĂ© ou causalitĂ© ?9Sans surprise, le discours lexicographique voit en histoire de [4] un introducteur de proposition finale. Mais l’idĂ©e de finalitĂ© inhĂ©rente Ă  histoire de semble insuffisante. Ainsi, le Dictionnaire du Français usuel de Picoche et Rolland, introduit la notion de justification 10Histoire de + verbe Ă  l’infinitif fam. explication donnĂ©e par A1 Ă  A2 pour justifier une action. J’ai agi ainsi, histoire de voir comment tu et justification sont des relations discursives relevant gĂ©nĂ©ralement de la cause ; par exemple, J. Hobbs 1990 fait de l’explication un cas de relation causale. Mais on peut trĂšs bien concevoir qu’une visĂ©e le procĂšs Y dans X, histoire de Y serve d’explication Ă  un acte X. Nous adopterons la catĂ©gorie aristotĂ©licienne [5] de cause finale pour caractĂ©riser la valeur de cohĂ©rence entre Y et X. En effet, comme nous l’avions montrĂ© dans Legallois 2006b, la valeur intentionnelle de X et la constitution de Y comme procĂšs Ă  rĂ©aliser cf. les formes infinitivales ou le subjonctif [6] doivent ĂȘtre compris selon le schĂ©ma tĂ©lĂ©ologique suivant L’intention de faire Y est Ă  l’origine de l’idĂ©e que Y est bien une motivation en mĂȘme temps que la cible de X. Ce schĂ©ma s’applique Ă©videmment Ă  d’autres connecteurs finaux, mais permet de prĂ©ciser le type de finalitĂ© dont il est question CaractĂ©ristiques13Si on considĂšre bien histoire de comme un mot grammatical, c’est en raison uniquement de son Ă©quivalence fonctionnelle avec les prĂ©positions pour recouvrement partiel, afin de, dans l’objectif de, dans le but de, dans l’intention de recouvrement total, et non pour son refus d’une modification adjectivale ou de la flexion du pluriel, puisque certains emplois nominaux observent la mĂȘme contrainte [7] ; par exemple 4Dans la * longue histoire, j’ai oubliĂ© mes clefs chez Jacques5C’est une * petite histoire de minutes14Mais histoire de est manifestement un hapax grammatical. Il est en effet peu envisageable de rapprocher sa forme d’une autre expression. Les prĂ©positions nominales, par exemple, ont un fonctionnement discursif diffĂ©rent [thĂ©matisation 6, caractĂ©risation 7] et sĂ©lectionnent un nom 6Question / point de vue / cĂŽtĂ© science-fiction, il en connaĂźt un rayon7Un film genre / style James Bond15Faute de + inf. possĂšde une forme proche dĂ©tachement et construction infinitive. NĂ©anmoins, la construction faute que + subj. ne semble pas recevable, et histoire de ne peut ĂȘtre suivi par un nom sauf l’exemple atypique de 9.16On pourrait Ă©galement comparer histoire de au connecteur crainte de / que il est composĂ© d’un Ă©lĂ©ment nominal sans dĂ©terminant, il gouverne une proposition, il est construit par dĂ©tachement. Mais quelques traits plus ou moins dĂ©cisifs l’en distinguent comme le remarquent Gross et Prandi 2004, crainte de est d’un emploi littĂ©raire, alors que histoire de est recensĂ© comme familier ; il y a effacement il s’agit en fait du cas le moins frĂ©quent d’une prĂ©position avant crainte de / que par crainte de / de crainte de ; histoire de ne peut ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ© d’une prĂ©position. De plus crainte de connaĂźt la concurrence de la locution apparentĂ©e dans la crainte de 8Les Français se sont dĂ©sistĂ©s, dans la crainte de dĂ©penses excĂ©dant leurs faibles revenus ex. de Gross et Prandi 2004,17Histoire de ne peut connaĂźtre une telle concurrence. Crainte de peut introduire un GN, ce qui n’est pas possible pour histoire de, exceptĂ© cet emploi particulier et unique Ă  notre connaissance relevĂ© par le TLF 9J’ai remis chez vous, en allant au chemin de fer, vos deux volumes non enveloppĂ©s, histoire de la grande prĂ©cipitation oĂč j’étais P. MĂ©rimĂ©e, Lettre Ă  une Inconnue, 1858, t. 2.18On peut considĂ©rer cet emploi purement causal comme un calque de faute de + N / crainte de + diffĂ©rence, morphologique celle-ci, crainte est un dĂ©verbal, ce qui n’est pas le cas d’histoire ; de plus, crainte reste sĂ©mantiquement transparent Gross et Prandi 2004 classent crainte de parmi les prĂ©dicats finaux de sentiment, alors que la signification de histoire est opaque dans cet concluons de ces observations rapides que histoire de constitue un hapax grammatical [8].2. Observation des occurrences dans la base Frantext21Nous avons procĂ©dĂ© au recensement exhaustif des 372 emplois du connecteur dans la base non catĂ©gorisĂ©e de Frantext. Ce recensement permet non seulement la datation des premiers emplois, mais Ă©galement de proposer quelques hypothĂšses sur la grammaticalisation du Datation des premiers emplois22La forme du premier emploi identifiĂ© est assez surprenante l’histoire de rire, 1831, avec donc une dĂ©termination ;10C’était, mon lieutenant, l’histoire de rire
 pour lors j’en arrĂȘte une par les cheveux et je l’embrasse
 E. Sue, Atar-Gull, 183123On trouve deux autres fois dans Frantext [9] cette mĂȘme forme Ă  la mĂȘme Ă©poque, dans le mĂȘme contexte des avances plus ou moins prononcĂ©es faites Ă  des femmes et dans la mĂȘme construction ; toujours chez Sue en 1843 11
si Alfred savait cela ?Ne m’en parlez pas, le sang me tourne rien que d’y songer. Alfred est jaloux comme un BĂ©douin ; et pourtant, de la part du pĂšre Joseph, c’est l’histoire de rire, en tout bien, tout honneur. E. Sue, Les MystĂšres de Paris, 184324Mais Ă©galement chez Sand 1844 12Ce baiser sur la main ne t’a pas offensĂ©e ?– Oh ! Je voyais bien que ce monsieur ne voulait pas m’offenser ; c’était l’histoire de rire. G. Sand, Jeanne, 184425On ne peut faire ici que des conjectures soit, il s’agit d’une modification idiosyncrasique du connecteur histoire de, et une remotivation du statut nominal de histoire. Cela dĂ©montrerait que histoire de est dĂ©jĂ  prĂ©sent dans le discours oral populaire avant 1830, sans ĂȘtre toutefois tout Ă  fait stabilisĂ©. Soit ces extraits tĂ©moignent d’une Ă©tape dans la grammaticalisation, la forme l’histoire de + infinitif dĂ©sormais disparue, dont nous n’avons que quelques attestations. Seul un examen plus prĂ©cis de la littĂ©rature populaire des annĂ©es 1820-1830 [10] pourrait ĂȘtre Ă©clairant, et permettrait d’argumenter en faveur de telle ou telle que la notion de grammaticalisation est, pour le cas de histoire de, sans doute mal appropriĂ©e puisqu’il est impossible d’observer avec certitude une forme libre constituant la base de cette autres occurrences, plus tardives, ont Ă©tĂ© repĂ©rĂ©es ; toujours dans le mĂȘme contexte 13ce n’est pas tant l’histoire de regarder les femmes. Chez nous autres, on peut ĂȘtre sauvĂ© malgrĂ© les femmes. Un rabbin peut avoir une femme. G. Duhamel, Le Jardin des bĂȘtes sauvages, 193428Ou dans un autre 14si le vent ne fraĂźchit pas trop, je viendrai peut-ĂȘtre vous rĂ©veiller cette nuit, pour l’histoire de rire, dit-elle. G. Bernanos, Un crime, 193529Ces emplois, certes trĂšs circonstanciĂ©s, pourraient avoir le mĂ©rite d’exhumer le passage d’une forme nominale figĂ©e Ă  la forme grammaticale, ainsi, d’ailleurs, que d’exhiber la tension entre les deux formes. L’exemple de Bernanos, difficile Ă  analyser en raison de son idiomaticitĂ©, semble ressusciter la prĂ©position causale pour, et plaiderait ainsi en faveur d’un effacement double prĂ©position et article dans le processus de grammaticalisation qui conserverait la trace de la causalitĂ©. Cependant, les exemples beaucoup plus anciens de Sue et Sand, donc plus prĂšs de l’origine du connecteur, ne sont pas construits avec pour. En fait, dans Legallois 2006b, nous avons montrĂ© que l’idĂ©e de causalitĂ©, mais aussi de finalitĂ©, est inhĂ©rente au morphĂšme histoire. Un double marquage apparaĂźt donc ailleurs, dans le roman de F. SouliĂ© Les MĂ©moires du diable 1837, on peut Ă©ventuellement miser sur un indice en faveur de l’apparition de la construction histoire de vers les annĂ©es 1820-1830 non seulement parce que le premier emploi sans dĂ©termination est identifiĂ© dans ce roman de 1837 ainsi que dans CĂ©sar Birotteau 1837 de Balzac, mais aussi parce qu’à plusieurs reprises, un personnage facĂ©tieux, prononce avant ses mĂ©faits, l’expression histoire de rire. Elle constitue, comme le prĂ©cise Ă  quatre reprises le narrateur, un infatigable refrain, un fameux mot qui devient diabolique 15ce mot rebutant qu’il jette comme moralitĂ© au bout de toutes ses actions ; ce mot histoire de rire ! est souvent aussi sombre que le mot du trappiste frĂšre, il faut mourir ! F. SouliĂ©, Les MĂ©moires du diable, 183731On peut penser que l’expressivitĂ© de ce mot » prononcĂ© aprĂšs que le personnage a produit des mauvaises actions, est redevable Ă  son emploi sarcastique et sardonique, mais Ă©galement Ă  sa rĂ©cence, Ă  un moment oĂč la grammaticalisation a certes opĂ©rĂ© mais oĂč la nouveautĂ© surprend encore. LĂ  encore, Ă©videmment, il s’agit d’une hypothĂšse de lecture. Nous notons encore l’usage unique dans ce roman, de la forme16Cependant toutes les farces de cet homme n’ont pas eu pour but une vengeance ; l’histoire de rire est le grand principe de ses tours. F. SouliĂ©, Les mĂ©moires du diable, 183732qui tĂ©moigne spectaculairement de la motivation nominale de la forme grammaticale. Le terme principe ici s’accorde bien avec l’idĂ©e relevĂ©e plus haut d’une cause premiĂšre, donc d’une cause Contextes Ă©nonciatifs33Tous les premiers emplois apparaissent dans du discours direct, et ont pour locuteurs des personnages du peuple » s’exprimant dans un français familier. Notons Ă©galement que ces occurrences se situent dans le roman populaire feuilletonesque Sue, SouliĂ©, ou bien dans le roman rĂ©aliste Balzac, et non dans la littĂ©rature romantique de la mĂȘme Ă©poque aucun emploi de histoire de chez Stendhal ou chez Hugo [11]. Tout cela atteste, s’il en est, du caractĂšre familier et oral de l’expression. Sauf erreur de notre part, le premier emploi identifiĂ© dans la narration avec un narrateur extradiĂ©gĂ©tique dans une narration sans je » – et non plus dans le discours direct – date de 1877, dans l’Assommoir de Zola Ă  sept reprises. Par exemple 17Le soir mĂȘme, le zingueur amena des camarades, un maçon, un menuisier, un peintre, de bons zigs qui feraient cette bricole-lĂ  aprĂšs leur journĂ©e, histoire de rendre service. É. Zola, L’Assommoir, 187734On constate que ces occurrences sont employĂ©es dans le discours indirect libre Dil. Le Dil, en plein essor Ă  cette Ă©poque, constitue, en ce qui concerne le texte Ă©crit, un procĂ©dĂ© puissant pour une promotion du connecteur il permet la transition d’un emploi oral, reprĂ©sentĂ© dans les dialogues, vers des emplois de plus en plus indĂ©pendants du dialogal d’abord dans le Dil, oĂč la voix Ă©nonciative est encore celle d’un personnage, puis dans la narration ou l’énonciateur est le narrateur extradiĂ©gĂ©tique. On peut penser que ce nouvel usage tĂ©moigne d’une diffusion massive et d’une bonne intĂ©gration du connecteur dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe dans les Ă©crits DĂ©tachement35Mis Ă  part quelques cas de ponctuation particuliĂšre et la structure clivĂ©e qui procĂšde par elle-mĂȘme Ă  une sorte de dĂ©tachement c’est histoire de rire, toutes les occurrences recensĂ©es se manifestent dans des constructions dĂ©tachĂ©es [12]. Le dĂ©tachement est le plus souvent matĂ©rialisĂ© par une virgule, mais aussi par les parenthĂšses, les deux points, une phrase construction dĂ©tachĂ©e est l’indice d’une prise en charge Ă©nonciative ; on peut la considĂ©rer comme une reprĂ©sentation iconique d’un dĂ©crochage Ă©nonciatif. En effet, le dĂ©tachement permet de mimer une pause dĂ©libĂ©rative, un moment de rĂ©flexion conduisant Ă  re-Ă©valuer a posteriori X comme un procĂšs intentionnellement orientĂ© vers la rĂ©alisation de Y, d’oĂč l’effet de justification ou d’explication selon les contextes. Il ressort de cette observation que la responsabilitĂ© de la justification / explication par la cause finale incombe au locuteur, et non au rĂ©fĂ©rent sujet de la phrase sauf bien sĂ»r, si les deux coĂŻncident. Les co-occurrents37Outre le dĂ©tachement, un des points fondamentaux Ă  souligner est le type de prĂ©dicat Ă  l’infinitif. Ainsi, on observe que sur les 372 emplois, le verbe intransitif rire et ses synonymes apparaĂźt 64 fois [13], voir intransitif et ses synonymes 18 fois, causer intransitif et ses synonymes 17, passer le temps et ses synonymes 18 et boire / manger 13. MĂȘme si moins frĂ©quentes, d’autres co-occurrences sont observables se dĂ©gourdir les jambes, souffler
. Histoire de rire et les autres prĂ©dicats inconsistants » Y comme intention limitĂ©e38Histoire de rire [14] est employĂ© de façon massive ; on peut considĂ©rer qu’il s’agit d’une collocation Ă  l’entrĂ©e rire le Petit Robert et le TrĂ©sor de la Langue française informatisĂ© donnent histoire de rire. Incontestablement, tous les premiers emplois du connecteur sĂ©lectionnent le verbe rire et constituent une alternative Ă  pour rire, une autre collocation pour de rire apparaĂźt dans Frantext chez E. Sue, en 1845, soit approximativement Ă  la mĂȘme Ă©poque que histoire de. Dans cet emploi, rire mais aussi les autres co-occurrents rĂ©currents – boire / manger, voir, passer le temps, etc. constitue ce que nous appellerons un procĂšs inconsistant », c’est-Ă -dire un procĂšs qui ne possĂšde pas d’effets ou de consĂ©quences notoires. D’oĂč cette valeur si le procĂšs est inconsistant, l’intention qui est Ă  son origine ne peut ĂȘtre elle-mĂȘme qu’une intention simple. Ainsi, justifier l’action X par l’intention de rĂ©aliser un procĂšs inconsistant, permet de circonscrire X dans un cadre limitĂ©, sans effets pourrions aller jusqu’à dire que dans certains emplois, l’énonciateur n’essaye pas vĂ©ritablement de donner les explications ou justifications d’un procĂšs, mais qu’il les donne tout de mĂȘme, en manifestant cependant par l’emploi de motifs stĂ©rĂ©otypĂ©s son indiffĂ©rence ou son dĂ©tachement envers cette justification. C’est ce que montre, selon nous, l’emploi avec un complĂ©ment Ø de 25 cf. plus bas frĂ©quent Ă  l’ encore qu’un complĂ©ment inconsistant » est Ă©galement une valeur prĂ©sente dans certains emplois nominaux figĂ©s 18C’est une histoire de minutes19C’est l’histoire d’une minute ou deux20C’est l’histoire d’un ou deux couverts de plus41La quantification est nĂ©cessairement vue comme nĂ©gligeable, peu consistante », dans les emplois qu’il faudrait rapprocher de 10, 11, ailleurs, l’emploi relativement frĂ©quent 40 / 367 d’un quantificateur faible » ou d’un dĂ©terminant indĂ©fini est tout Ă  fait congruent avec la valeur d’inconsistance. Par exemple 21Histoire de prendre un peu l’air, je suis allĂ© manger un morceau en ville. Ph. Djian, 37˚2 le matin, 198522Il paraĂźt qu’il s’était mis en colĂšre une seule fois, mais de cette colĂšre contre un voisin qui avait dĂ©placĂ© les bornes d’un champ, histoire de gagner quelques mĂštres. J. Lanzmann, Le TĂȘtard, 197623Cette derniĂšre voiture s’arrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© l’autre jusqu’au parc, Ă  travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire de flĂąner et de causer un instant. É. Zola, La Terre, 188724Histoire de lui acheter quelque chose, Pierre acquiert pour sa sƓur quelques images pieuses, imprimĂ©es au temps des combats. J. Rouaud, Les Champs d’honneur, 199025Il attendit pour voir si un con en treillis rirait de son esprit. Il lui aurait fait faire une petite marche de nuit, histoire de. J. Vautrin, Bloody Mary, 1979 [15] Effets de sens43Bien sĂ»r, tous les arguments ne rĂ©fĂšrent pas nĂ©cessairement Ă  des procĂšs inconsistants. Dans Frantext, la complĂ©mentation par des procĂšs Ă  la fois non intrinsĂšquement inconsistants » et non rĂ©currents, apparaĂźt dĂšs 1840 26J’ai soutirĂ© douze francs Ă  votre beau-pĂšre, les voilà
– Et comment as-tu fait ?
– Ne voulait-il pas voir les bassines et les provisions de monsieur, histoire de dĂ©couvrir le secret. Je savais bien qu’il n’y avait plus rien dans la petite cuisine ; mais je lui ai fait peur comme s’il allait voler son fils, et il m’a donnĂ© deux Ă©cus. H. Balzac, Illusions perdues, 1843.44DĂ©couvrir le secret n’est pas par lui-mĂȘme inconsistant, mais, en tant que complĂ©ment de histoire de, il est malgrĂ© tout construit par l’énonciation comme objet d’une lubie, d’un caprice, c’est-Ă -dire d’une intention bien rĂ©elle de la part du beau-pĂšre, mais dĂ©considĂ©rĂ©e par le locuteur. Les Ă©crivains ont su jouer de cette pression de la forme sur le complĂ©ment phrastique ; mais d’abord, considĂ©rons deux exemples construits qui paraissent incongrus ou particuliĂšrement cyniques 27Hitler a armĂ© l’Allemagne, histoire d’envahir l’Europe28Paul a pris des mĂ©dicaments, histoire de se suicider45Envahir l’Europe ou se suicider sont des actions ayant des consĂ©quences particuliĂšrement graves, qui ne peuvent, par consĂ©quent, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme les objets d’une simple intention. Parmi les nombreux exemples de ce type dans Frantext, on relĂšvera 29Il en prit une, l’alluma et tira dessus comme un crapaud, histoire de salir un peu plus ses bronches A. Jardin, Bille en tĂȘte, 198646Se salir un peu plus les bronches est certes un procĂšs consistant par lui-mĂȘme, puisqu’occasionnant des effets dĂ©vastateurs ; histoire de configure ce procĂšs comme ne possĂ©dant pas de consĂ©quences notoires – d’oĂč l’effet humoristique quelque peu corrosif. Mais il y a plus, est construit ici un rapport intentionnel entre tirer dessus comme un crapaud et se salir les bronches, rapport qui n’existe pas objectivement, mais qui est le fait de l’énonciateur. De mĂȘme, dans30J’ai jetĂ© un coup d’Ɠil un peu triste sur les baraques et je me suis coltinĂ© un bidon de vingt-cinq kilos le long du chemin, histoire de me cisailler un peu les doigts Ph. Djian, 37˚2 le matin, 1985.47une relation intentionnelle incongrue est imposĂ©e par la 31Mais, avec une malice appuyĂ©e, il se disait nĂ©anmoins sĂ©duit par les mouvements en cours histoire de montrer qu’il restait jeune et de gauche J. Kristeva, Les Samourais, 199049 Montrer que l’on reste jeune et de gauche » n’est pas intrinsĂšquement sans valeur, mais est ici configurĂ© comme tel. Cette inconsistance est en fait un jugement de l’énonciateur ici le narrateur, jugement nĂ©gatif d’ailleurs anticipĂ© par avec une malice appuyĂ©e, et qui façonne l’ethos du personnage quelqu’un de puĂ©ril, sur le retour et ayant perdu ses idĂ©aux. C’est le regard du narrateur qui est ironique ici, et non pas le rapport entre l’intention de faire Y et celle de faire X comme dans 30. Le procĂšs X dans la limite d’une configuration50L’examen des procĂšs inconsistants permet donc de comprendre les effets pragmatiques de histoire de. Mais les remarques faites jusqu’à maintenant n’expliquent sans doute pas les motivations de l’emploi du mot si la notion d’expressivitĂ© est incontestablement peu objective, elle permet de rendre compte de l’impression ressentie Ă  la lecture des exemples histoire de est plus colorĂ© » que pour ; ainsi 29 comparĂ© Ă 32Il en prit une, l’alluma et tira dessus comme un crapaud, pour se salir un peu plus ses bronches ;52est bien plus expressif dans la mesure oĂč histoire de, par rapport Ă  pour en dit un peu plus ». Cette expressivitĂ© pourrait s’expliquer ainsi en Ă©tant attentif au fonctionnement nominal Legallois 2006b, on peut observer que le nom est utilisĂ© pour circonscrire un ensemble cohĂ©rent d’évĂ©nements qui ont pour seule Ă©paisseur ontologique leur participation Ă  une finalitĂ© prĂ©cise. Ils sont orientĂ©s vers une seule fin ; suivant en cela la narratologie, il est possible de dĂ©signer cette fonction par le terme de configuration. Cette configuration peut ĂȘtre un ensemble d’évĂ©nements vus comme cohĂ©sifs, toujours orientĂ© vers la rĂ©alisation d’un objet un devenir ; il s’ensuit que tout Ă©vĂ©nement de la configuration n’a pas d’autre rĂ©alitĂ© c’est-Ă -dire pas d’autres effets ailleurs que dans ce cadre. Des emplois nominaux jouent argumentativement sur cet aspect fermĂ© sur elle-mĂȘme » de l’histoire 33Ce ne sont pas tes histoires ! N’interviens pas lĂ -dedans34Tes histoires n’intĂ©ressent personne35N’aie pas peur, ce n’est qu’une histoire36Je ne crois pas Ă  ce qui vient d’arriver Ă  Paul ! C’est une histoire de fou !37Je n’entre pas dans cette histoire lĂ  dans le sens, je n’entre pas dans ces considĂ©rations / dans la combine53À chaque fois, ces expressions relativement figĂ©es, exploitent le potentiel sĂ©mantique de histoire configurer des Ă©vĂ©nements et leur refuser toute rĂ©alitĂ© en dehors de cette configuration. De mĂȘme, histoire de met en jeu cette valeur dans X, histoire de Y, le procĂšs X est dit justifiĂ© par sa seule finalitĂ©, rĂ©aliser Y » d’oĂč la valeur restrictive soulignĂ©e plus haut. Ainsi, 32, tout en possĂ©dant les mĂȘmes effets, est moins expressif que 29 car pour ne dit pas ce que dit histoire Il en prit une, l’alluma et tira dessus comme un crapaud, est conceptualisĂ© comme ensemble de procĂšs limitĂ©s Ă  un cadre / configuration, Ă  un scĂ©nario en dehors duquel cet ensemble n’aurait aucune raison d’ rĂ©capitulons ici nos observations histoire de, qui peut difficilement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une locution en raison du comportement de de, est un connecteur apparaissant dans la littĂ©rature vers 1837 – peut-ĂȘtre comme grammaticalisation et gĂ©nĂ©ralisation d’une premiĂšre forme l’histoire de rire, mais les donnĂ©es sont trop insuffisantes pour que nous soyons affirmatifs. Son caractĂšre expressif est l’hĂ©ritage d’un emploi oral populaire. EmployĂ© systĂ©matiquement en construction dĂ©tachĂ©e, il introduit un procĂšs conçu comme une cause finale servant Ă  justifier ou Ă  expliquer le recours Ă  une action. Le point de vue exprimĂ© par histoire de est subjectif, produit par l’énonciateur et non par le rĂ©fĂ©rent du sujet conjonction sĂ©lectionne d’abord chronologiquement et statistiquement le prĂ©dicat rire, Ă  une Ă©poque oĂč apparaĂźt Ă©galement pour de rire et oĂč pour rire constitue dĂ©jĂ  une expression idiomatique. Le trait inconsistant de ce verbe et d’autres co-occurrents rĂ©vĂšle que le procĂšs X est motivĂ© par une intention simple » la rĂ©alisation de Y, et qu’il n’a pas d’autres effets en dehors de cette configuration. Ainsi, nous pouvons considĂ©rer histoire de + inf / que P comme une construction, au sens des Grammaires de Constructions [16], c’est-Ă -dire une forme phrasĂ©ologique mi-lexicale, mi-grammaticale, Ă  laquelle est inhĂ©rente une valeur sĂ©mantico-pragmatique. Notes [1] Nous verrons que la notion de locution prĂ©positive » appliquĂ©e Ă  histoire de est discutable. [2] Signalons que cet article fait suite Ă  un prĂ©cĂ©dent Legallois 2006b, dans lequel il s’agit de dĂ©terminer la sĂ©mantique du fonctionnement nominal du mot histoire, ainsi que, dans les limites d’un premier aperçu, de poser les prĂ©mices d’une analyse du connecteur. [3] Il n’y a que cinq occurrences de histoire que P dans Frantext. [4] Nous adoptons dĂ©sormais cette notation. pour indiquer que de n’est pas intĂ©grĂ©. [5] Cause finale, cause matĂ©rielle, cause efficiente et cause formelle forment la notion de αÎčÎčÎżÎœ [aition] dans la MĂ©taphysique d’Aristote. [6] Les locutions conjonctives qui servent Ă  construire les propositions finales entraĂźnent l’emploi du mode subjonctif dans la mesure oĂč elles explicitent cette intention Wagner et Pinchon 1962, § 699. [7] On devrait Ă©voquer la non-dĂ©termination de histoire, contrairement Ă  l’objectif, le but, l’intention et mĂȘme Ă  la seule fin de. [8] Hapax
 pas tout Ă  fait ! À l’heure oĂč nous bouclons, notre collĂšgue Mathilde Salles nous signale la prĂ©sence de la forme question de + inf. dans les romans de CĂ©line ; par exemple Je l’écoutais battre son cƓur, question de faire quelque chose dans la circonstance, les quelques gestes qu’on attendait CĂ©line, Voyage au bout de la nuit. AprĂšs examen sur Frantext, nous n’avons trouvĂ© ce type d’emploi – concurrent de histoire de – que chez cet auteur. [9] En plus de l’ex. 16, plus bas, mais qui apparaĂźt dans une forme non clivĂ©e. [10] Mais on imagine bien que sans numĂ©risation, la tĂąche est colossale. [11] On trouve une occurrence chez Hugo dans Actes et Paroles III. [12] 51 occurrences prĂ©sentent un dĂ©tachement frontal, place privilĂ©giĂ©e pour une portĂ©e plus grande du circonstant et une fonction d’organisation textuelle. MalgrĂ© tout, aprĂšs examen, il est difficile de dire que histoire de a une portĂ©e au-delĂ  de la phrase. [13] Le roman de SouliĂ© mentionnĂ© ci-dessous Ă  recours, Ă  lui seul, 17 fois au verbe rire. MĂȘme en pondĂ©rant, rire est de loin le prĂ©dicat le plus employĂ©. [14] On ne doit pas sous-estimer la motivation anthropologique » de la grammaticalisation de histoire. Les histoires sont souvent racontĂ©es pour rire, pour passer le temps. [15] Exemple qui contredit MĂ©lis 2003, 114 qui affirme que histoire de et Ă  cause de nĂ©cessitent obligatoirement un complĂ©ment cela est seulement exact pour Ă  cause de. On parlera, pour cet exemple, d’un complĂ©ment Ø. [16] Cf. A. Goldberg 1995, Ch. Fillmore et al. 1988 pour la construction let alone cf. E. Roussel ici mĂȘme, D. Legallois et J. François 2006a. Vos programmes Hauts-de-France direct Nord-Pas-de-Calais Programme national 19/08 360 min direct Picardie Programme national 19/08 360 min En ce moment L'info Nos programmes Les matinales Élections lĂ©gislatives 2022 Elections lĂ©gislatives 2022 - Hauts-de-France Elections lĂ©gislatives 2022 - Picardie Elections lĂ©gislatives 2022 - Hauts-de-France Elections lĂ©gislatives 2022 - Picardie Elections lĂ©gislatives 2022 - Hauts-de-France Elections lĂ©gislatives 2022 - Picardie Elections lĂ©gislatives 2022 - Picardie Elections lĂ©gislatives 2022 - Hauts-de-France Elections lĂ©gislatives 2022 - Picardie Elections lĂ©gislatives 2022 - Hauts-de-France Elections lĂ©gislatives 2022 - Picardie Elections lĂ©gislatives 2022 - Hauts-de-France Toute l'information autour de chez vous Accueil Hauts-de-France Programmes Jour d’hiver, 1922. Un cafĂ© de gare banal, quelque part dans l’est de la France. Dans un coin de la salle, un homme est attablĂ© et Ă©crit sur un petit cahier d’écolier. Le geste de la main est vif, visiblement guidĂ© par une impulsion intĂ©rieure, qui concentre les traits de son visage. Mais de temps Ă  autre, l’homme relĂšve la tĂȘte et s’abĂźme dans la contemplation de ceux qui l’entourent un ivrogne qui s’attarde au bar, une mĂšre qui berce son enfant, un couple en pleine dispute, une serveuse qui sourit malgrĂ© sa fatigue
 Ce qu’il capte, absorbe comme un buvard, par une attention dĂ©licate et soutenue, c’est la vie des hommes et des femmes, leur inlassable effort pour y a un siĂšcle, Georges Bernanos n’est pas encore un Ă©crivain reconnu. Il est alors employĂ© de la compagnie d’assurances La Nationale, pour laquelle il sillonne les dĂ©partements de l’est de l’Hexagone. Entre deux rendez-vous, il Ă©crit dans les bistrots et les restaurants – une habitude qu’il gardera toute sa vie –, ce qui deviendra son premier roman, Sous le soleil de Satan, publiĂ© en 1926.→ CRITIQUE. Georges Bernanos », de François Angelier une plume tendue entre terre et cielTravailler dans les assurances, voilĂ  ce que l’on peut appeler un contre-emploi pour cet homme fougueux, qui dĂ©teste la sĂ©curitĂ© et le confort. Ce gagne-pain lui donne le sentiment de gĂącher sa vie, mais il l’a acceptĂ© en 1919 pour subvenir aux besoins de sa famille. Avant la guerre, Ă  l’issue de ses Ă©tudes de droit et de lettres, le jeune homme alors journaliste avait brillĂ© dans la presse monarchiste Ă  Paris, puis Ă  tempĂ©tueux et mĂȘme bagarreur, il s’était fait remarquer par ses coups d’éclat aux cĂŽtĂ©s des Camelots du roi, le mouvement nationaliste et antirĂ©publicain de Charles Maurras. Mais les cinq ans qu’il vient de passer au front l’ont changĂ©. Les combats de rue, les controverses faciles et le dandysme maurrassien ne l’intĂ©ressent Georges Bernanos, vers 1930. / Henri Martinie/© Henri Martinie / Roger-Violle Bernanos est entrĂ© en Ă©criture comme d’autres entrent dans les ordres. Avec le mĂȘme sentiment d’un appel reçu et la mĂȘme radicalitĂ©. Sa dĂ©cision sourd du traumatisme du premier conflit mondial encore fumant, dans lequel il a Ă©tĂ© pris comme tous ceux de sa gĂ©nĂ©ration. Au front, il a fait l’expĂ©rience de l’oisivetĂ© et de l’ennui, mais aussi du feu meurtrier et de la dĂ©rĂ©liction dans l’angoisse pleine et entiĂšre » de la guerre, il a lu PĂ©guy et Bloy. Sa foi catholique, ardente depuis l’enfance, s’est Ă©mondĂ©e. L’expĂ©rience du naufrage est aussi celle de la prĂ©sence absente de Dieu. Dieu seul peut dĂ©brouiller ce chaos de sacrifices surhumains, de blasphĂšmes et d’adorations, de haine et d’amour », Ă©crit-il dans une lettre, en remĂšde spirituelDĂ©mobilisĂ© en 1919, Bernanos revient, blessĂ© et dĂ©corĂ©, dans une sociĂ©tĂ© fĂ©brile qui s’enivre de divertissements pour oublier la tragĂ©die et dĂ©grade le sacrifice de sa jeunesse en pompes commĂ©moratives ou en arguments politiciens. ÉcƓurĂ© par l’hypocrisie de l’arriĂšre et les mensonges d’État, par la violence inĂ©galĂ©e d’une guerre industrielle, Bernanos veut s’engager dans une contre-offensive Ă  cette dĂ©route que la crise que traverse la France est spirituelle, il lui cherche un remĂšde de mĂȘme nature. Ce que tant d’imbĂ©ciles tiennent pour des nuĂ©es creuses, la justice, l’honneur, la foi, je les tiens pour des vivants plus vivants qu’eux », avait-il constatĂ© au front. Bernanos se met Ă  Ă©crire pour racheter le langage dĂ©figurĂ© par la propagande. Il ne veut pas parler de l’espĂ©rance avec un langage corrompu, souligne François Angelier, auteur d’une rĂ©cente biographie sur l’écrivain 1. Le mot “esprit” fait partie des mots qu’il a tentĂ© de racheter, comme “courage”, “honneur”, “saintetĂ©â€ ou “sacrifice”
 Tous ces termes utilisĂ©s par les communicants et les publicitaires pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, il veut les rendre Ă  la langue. » Dialogues des carmĂ©lites de Francis Poulenc », est la premiĂšre adaptation française Ă  l’opĂ©ra du roman de Bernanos, le 30 octobre 2004 Ă  l’OpĂ©ra Bastille, Paris. / Colette Masson / Roger-Violle La mort, Bernanos l’a cĂŽtoyĂ©e sous les drapeaux, mais ce n’est pas leur premiĂšre rencontre. Depuis l’adolescence, cette pensĂ©e angoissĂ©e accompagne son quotidien. Ce n’est pas que son enfance ait Ă©tĂ© malheureuse, ni traumatisante, au contraire. NĂ© Ă  Paris en 1888, il a grandi dans la sĂ©curitĂ© et l’affection, entourĂ© d’un pĂšre tapissier-dĂ©corateur dont les affaires auprĂšs d’une clientĂšle aristocratique marchent fort bien, et d’une mĂšre dont il louera la douceur et la la belle propriĂ©tĂ© familiale de Fressin, dans la campagne de l’Artois, rĂ©sidence secondaire puis principale des Bernanos, le petit Georges a connu le confort de la vie bourgeoise et vĂ©cu avec intensitĂ© les plaisirs de la vie au grand air. Ce monde rural encore sauvage, peuplĂ© de paysans et de prĂȘtres en soutane, constituera le panorama de ses futurs romans.→ CRITIQUE. Georges Bernanos, prophĂšte pour notre temps », par Mgr Patrick ChauvetCette jeunesse heureuse, qui restera la boussole de sa vie, est pourtant assombrie par une santĂ© fragile et des Ă©pisodes maladifs rĂ©currents. S’éveille tĂŽt en lui le profond sentiment de l’impermanence des choses. Depuis longtemps – Ă  cause de la jeunesse maladive et des prĂ©cautions qu’on me faisait prendre – je crains la mort, et par malheur, peut-ĂȘtre mon ange gardien dirait-il par bonheur, j’y pense toujours. La plus petite indisposition me semble le prĂ©lude de cette derniĂšre maladie dont j’ai si peur », Ă©crit-il Ă  un professeur devenu confident, Ă  17 de l’ñme humaineLa mort va hanter toutes les fictions de Bernanos, depuis Sous le soleil de Satan, succĂšs immense qui le propulse sur le devant de la scĂšne littĂ©raire, jusqu’aux Dialogues des carmĂ©lites, texte publiĂ© Ă  titre posthume en 1949, oĂč la peur de la mort est surmontĂ©e dans le don de y prend des formes variĂ©es – le crime, le suicide, la mort de l’innocent, la mort sacrificielle
 –, mais porte toujours le mĂȘme scandale de l’arrachement au monde, que l’auteur aime profondĂ©ment. J’ignore si la vie m’aime, mais le bon Dieu m’a fait la grĂące de bien aimer la vie, la vie que les imbĂ©ciles parcourent Ă  toute vitesse, sans prendre le temps de la regarder, la vie pleine de secrets admirables qu’elle met Ă  la disposition de tous, et que personne ne lui demande jamais », Ă©crira-t-il Ă  la fin de ses jours.→ À LIRE. La Plume et le goupillon » Ă©crivain catho, quĂšsaco ?Peintre de l’ñme humaine, Bernanos dĂ©ploie dans ses romans un imaginaire tourmentĂ©, oĂč le nuancier des ombres semble infini. Il fait surgir des campagnes nocturnes, oĂč les hommes s’enlisent dans la boue de leurs rancƓurs et de leurs rĂȘves déçus, compose des intĂ©rieurs bourgeois oĂč ils guettent leur vain reflet dans les miroirs des mondanitĂ©s. Entre ciel et terre, il dresse une scĂšne pour raconter l’épopĂ©e de l’humanitĂ© confrontĂ©e Ă  la souffrance, Ă  la malveillance, au mĂ©pris, mais oĂč un geste de compassion, un regard, une prĂ©sence, peuvent fendre les tĂ©nĂšbres, et faire briller une lumiĂšre film Le journal d' un cure de campagne », d'aprĂšs Georges Bernanos, rĂ©alisĂ© par Robert Bresson, avec Claude Laydu et Nicole Ladmiral, est sorti en 1951. / Rue des Archives/Rue des Archives/RDA C’est sous le signe de la dĂ©faite que s’avance la cohorte humaine, et c’est pourquoi l’espĂ©rance est la grande affaire de l’Ɠuvre de Bernanos. Une espĂ©rance qui n’a rien Ă  voir avec l’optimisme, que l’écrivain moque, mĂ©prisant ceux qui font profession d’optimisme sous prĂ©texte qu’il ne faut dĂ©courager personne », renvoyant dos Ă  dos l’optimiste, imbĂ©cile heureux » et le pessimiste, imbĂ©cile malheureux ». Chez Bernanos, l’espĂ©rance n’est pas une bouffĂ©e d’air qui arrive en ouvrant la fenĂȘtre, elle se conquiert par une traversĂ©e des apparences, souligne François Angelier. C’est un voyage au bout de la nuit, mais pour Bernanos une aurore se lĂšve au bout de la nuit. Le paradis est derriĂšre des murs. On y arrive couverts de gravats, aprĂšs avoir percĂ© le dĂ©sespoir. ȃcrivain de l’espĂ©ranceL’espĂ©rance ne prend rĂ©ellement consistance que par le contraste de ce Ă  quoi elle s’oppose la dĂ©sespĂ©rance. Il faut avoir touchĂ© le fond de la dĂ©sespĂ©rance pour pouvoir espĂ©rer, avoir touchĂ© cette humiliation souvent partagĂ©e par les hommes et les femmes, hier comme aujourd’hui », complĂšte le pĂšre François Marxer, professeur d’histoire de la spiritualitĂ© et de thĂ©ologie spirituelle au Centre SĂšvres-FacultĂ©s jĂ©suites de Paris. Chez Bernanos comme chez saint Paul, la crĂ©ation est prise dans les tourments d’un gigantesque accouchement. C’est lĂ  qu’intervient l’espĂ©rance on n’espĂšre que parce qu’on ne sait pas vers quoi l’on va. Si on le savait, il n’y aurait pas Ă  espĂ©rer. L’espĂ©rance est alors la confiance en une promesse, celle que “Rien ne pourra nous sĂ©parer de l’amour du Christ” Rm 8,35. »Dans le jeu des forces qui travaillent le monde, peu d’écrivains auront comme lui pris part aux combats de leur temps pour dĂ©fendre la dignitĂ© de l’homme, avec une libertĂ© qui le rend inclassable sur l’échiquier politique. En 1932, il formalise son opposition au monde bourgeois et capitaliste, sa hantise du conformisme et de la sociĂ©tĂ© technique dans La Grande Peur des vivre Ă  Majorque en 1934, il assiste Ă  la guerre civile espagnole et Ă  la rĂ©pression des troupes franquistes, qu’il dĂ©nonce avec courage et dont il tĂ©moignera dans Les Grands CimetiĂšres sous la lune 1938. ParallĂšlement, il s’oppose trĂšs tĂŽt au fascisme italien et au nazisme. Avec son dĂ©part pour le BrĂ©sil en 1938, son regard ne perd rien en acuitĂ© malgrĂ© la distance. Il s’alarme des reculades devant Hitler et conspue l’esprit de Munich ». Apprenant avec horreur la capitulation de la France et la signature de l’armistice en juin 1940, il condamne immĂ©diatement le rĂ©gime de Vichy et prend le parti de De Gaulle. Mouchette », de Robert Bresson avec Nadine Nortier, sorti en 1967, est l’adaptation du roman de Bernanos Nouvelle histoire de Mouchette ». / Rue des Archives/Rue des Archives/RDA CĂ©lĂ©brĂ© comme l’une des grandes voix de la RĂ©sistance aprĂšs-guerre, Bernanos aurait pu rentrer dans le rang, jouir des honneurs. Dans la droite ligne de ses prĂ©cĂ©dentes batailles, un autre combat va pourtant s’imposer Ă  lui. Au lendemain de Hiroshima et alors que l’american way of life s’annonce comme le nouvel horizon de la France, l’écrivain pressent l’avĂšnement de la civilisation des Machines », celle d’un totalitarisme capitaliste et technique, qui soumet tout Ă  la logique du profit, de l’efficience et du rendement, au culte de la vitesse et de l’argent. RestĂ© fidĂšle Ă  une vision idĂ©alisĂ©e de la monarchie, Bernanos critique la dĂ©mocratie comme un bouclier ridicule face Ă  ce danger, raille la naĂŻvetĂ© des anciens rĂ©sistants, et notamment des ses propos ne manquent pas d’outrances, celles-ci sont Ă  la hauteur de son inquiĂ©tude et de sa dĂ©ception de voir les Français ne sortir d’une imposture que pour rentrer dans une autre ». Quoi qu’il en soit, l’avenir lui paraĂźt tĂ©nĂ©breux. L’État technique n’aura demain qu’un seul ennemi “l’homme qui ne fait pas comme tout le monde” – ou encore “l’homme qui a du temps Ă  perdre” – ou plus simplement si vous voulez “l’homme qui croit Ă  autre chose qu’à la Technique” », alerte-t-il dans La France contre les prophĂšte radical Dans la critique de la sociĂ©tĂ© technicienne, Bernanos prĂ©cĂšde le cortĂšge des Ellul, Charbonneau, GĂŒnther Anders et tous les autres », analyse François Angelier. À relire ses derniers Ă©crits aujourd’hui, c’est la voix d’un prophĂšte, avec sa radicalitĂ©, que l’on entend. Rien du monde moderne n’échappe aux foudres de Bernanos, au point qu’on a pu lui reprocher de cĂ©der Ă  la tentation du dĂ©sespoir, qui suinte aussi de son dernier roman Monsieur Ouine 1946.L’écrivain est convaincu que la rĂ©ponse est spirituelle, or il constate que le monde se dĂ©spiritualise. Il attend une Église des BĂ©atitudes, marquĂ© du sceau de la justice et de la pauvretĂ©, et son Église ne cesse de se compromettre avec les puissants. N’y aurait-il pas de quoi perdre courage ? Pourtant sous la surface des choses, il y a une profondeur oĂč Dieu travaille, il y a une endurance de Dieu, qui ne s’avoue jamais vaincu, mĂȘme s’il se heurte Ă  beaucoup de refus et surtout d’indiffĂ©rence, souligne le pĂšre François Marxer. Bernanos Ă©met une protestation presque rageuse contre la lĂąchetĂ© des hiĂ©rarques ecclĂ©siastiques, mais il croit Ă  la petite bontĂ© des petites gens, Ă  la saintetĂ© qui s’ignore. »GĂ©rard Depardieu incarne l’abbĂ© Donissan dans Sous le soleil de Satan, de Maurice Pialat, sorti en 1987. Pour l’écrivain, surtout, Dieu n’est pas prisonnier de l’Église et son amour emprunte dans le monde des chemins toujours inattendus. Bernanos n’est pas clĂ©rical du tout. Il croit aux valeurs de justice, de charitĂ©, d’égalitĂ© et celui qui s’engage pour ces valeurs se conduit Ă  ses yeux en chrĂ©tien, qu’il le sache ou non », complĂšte Monique Gosselin-Noat, professeure honoraire des universitĂ©s, spĂ©cialiste de l’Ɠuvre de Bernanos. Ainsi, Bernanos est convaincu qu’il y a des forces surnaturelles en marche partout, qui travaille le monde comme le levain dans la pĂąte. »InquiĂ©tants, vĂ©hĂ©ments, ses derniers Ă©crits sont toujours portĂ©s par son immense tendresse pour l’humanitĂ© et par son absolue fidĂ©litĂ© Ă  ses convictions. Bernanos a tout sacrifiĂ© – sa famille, son confort, sa carriĂšre
 – aux vĂ©ritĂ©s dont il s’est voulu le serviteur, rappelle François Angelier. Il n’y a chez lui aucune porte dĂ©robĂ©e. »Si l’écrivain dĂ©nonce compromis et compromissions, comme un briseur d’idoles, c’est parce qu’il ne renonce pas Ă  transmettre le feu de l’Évangile. Si nous venons Ă  bout de notre tĂąche, ceux pour qui nous sommes nĂ©s et qui ne sont pas encore tireront de nos doutes leurs certitudes, car de cette tentation du dĂ©sespoir, qui forme la trame de nos vies, le temps fera jaillir une nouvelle source d’espĂ©rance », avait-il confiĂ© Ă  un ami, en 1937. À nous donc, il espĂšre transmettre le courage de crĂ©er ».Se laisser aimanter par la libertĂ©Un souffle parcourt les Ă©crits de Bernanos, celui de la libertĂ©. Elle est la boussole de ses engagements, de ses indignations mais aussi l’horizon vers lequel il ne cesse de marcher. La libertĂ© est pour lui enracinĂ©e dans la foi chrĂ©tienne l’homme, image d’un Dieu d’amour, a Ă©tĂ© créé pour la libertĂ©, car l’amour sans la libertĂ© ne peut exister. L’amour est un choix libre ou il n’est rien », rĂ©sume-t-il d’un trait dans La LibertĂ©, pour quoi faire ?.Toute son Ɠuvre fait Ă©cho Ă  la Lettre aux Galates, oĂč l’apĂŽtre Paul proclame C’est pour la libertĂ© que le Christ nous a affranchis » Ga 5,1. La libertĂ© vient du Christ, qui a brisĂ© les chaĂźnes – la fatalitĂ© des vies manquĂ©es, perdues, le destin, fatum –, toutes les fatalitĂ©s ensemble, celles du sang, de la race, des habitudes, et celles encore de nos erreurs ou de nos fautes » Les Enfants humiliĂ©s. Bernanos vient d’un monde philosophique oĂč on insistait beaucoup sur le dĂ©terminisme dĂ©terminisme des lois physiques, de l’espĂšce, de la race, qui a pour lui le sens de l’ensemble social dont on est issu, rappelle Monique Gosselin-Noat. Lui affirme le caractĂšre central de la libertĂ©. » L’écrivain n’ignore pas que la libertĂ© est toujours entravĂ©e, prisonniĂšre, Ă©touffĂ©e, mais elle n’est pour lui jamais rĂ©duite Ă  nĂ©ant. J’ignore quelle est ma part de libertĂ©, grande ou petite. Je crois seulement que Dieu m’en a laissĂ© ce qu’il faut pour que je la remette un jour entre ses mains », fait-il dire Ă  son hĂ©ros, le curĂ© d’Ambricourt, dans Journal d’un curĂ© de l’encontre d’un christianisme moutonnier ou conformiste, Bernanos croit Ă  la grandeur de la libertĂ© individuelle. Le souci de cette libertĂ© se place pour lui au cƓur de la vie chrĂ©tienne, avant mĂȘme toute question de morale. Il ne s’agit pas de savoir si cette libertĂ© rend les hommes heureux ou si mĂȘme elle les rend moraux. Il ne s’agit pas de savoir si elle favorise plutĂŽt le mal que le bien, car Dieu est maĂźtre du Mal comme du Bien. Il me suffit qu’elle rende l’homme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation d’homme », Ă©crit-il dans La France contre les que les autoritĂ©s religieuses concentrent leurs regards sur les pĂ©chĂ©s sexuels, le pĂ©chĂ© de servitude lui paraĂźt bien plus redoutable. Le vice de servitude va aussi profond dans l’homme que celui de la luxure, et peut-ĂȘtre que les deux ne font qu’un. » Sur les plans religieux et politique, la libertĂ© n’est jamais une question abstraite. Elle doit ĂȘtre mise en Ɠuvre, car on perd la libertĂ©, faute de s’en servir » La France contre les robots.Retrouver l’esprit d’enfancePour Bernanos, l’espĂ©rance a un visage d’enfant. On retrouve dans ses Ă©crits les traces de pas de la petite fille espĂ©rance » cĂ©lĂ©brĂ©e par Charles PĂ©guy, cette petite fille de rien du tout 
 qui traversera les mondes rĂ©volus » 2. L’enfant est un maĂźtre, par la confiance qu’il sait accorder, par sa sincĂ©ritĂ©, sa gĂ©nĂ©rositĂ©, sa simplicitĂ©, son audace, autant de traits qui caractĂ©risent Ă  ses yeux la vie spirituelle et son esprit d’enfance ». L’esprit d’enfance, c’est un esprit d’abandon Ă  Dieu, comme l’enfant fait confiance Ă  sa mĂšre, sans trop penser au lendemain. C’est la simplicitĂ© au sens fort du terme, explique Monique Gosselin-Noat. C’est le refus de trop organiser sa vie, de la prendre trop en main. En mĂȘme temps, ce n’est pas un Ă©loge de l’imprĂ©voyance. Ce n’est pas du tout jouer Ă  l’enfant. »Il n’y a pas de nostalgie chez Bernanos, ni de regret d’une enfance perdue. Pour lui, l’enfant ne s’efface pas mais demeure en chacun. DissimulĂ© en la plupart des hommes, il ne demeure visible que chez les saints. Retrouver le chemin de l’espĂ©rance consiste donc Ă  retrouver l’enfant en soi et Ă  lui rester est toujours un gardien de l’espĂ©rance, car il conserve le secret de la vie l’amour donnĂ©. Lorsqu’on se retourne vers sa propre enfance, qu’on l’appelle de loin, si las non de vivre mais d’avoir vĂ©cu, elle nous rĂ©pond de sa voix douce “Il n’y a qu’une erreur et qu’un malheur au monde, c’est de ne pas savoir assez aimer” », Ă©crit-il dans Nous autres français. L’univers bernanossien ne se rĂ©partit pas entre les bons et les mĂ©chants, mais, ce qui est tout diffĂ©rent, entre les saints, qui ont gardĂ© la fidĂ©litĂ© Ă  l’enfance, et les malheureux qui l’ont perdue. D’un cĂŽtĂ© les puissances d’amour, oĂč se manifeste la survie de l’esprit d’enfance ; de l’autre cĂŽtĂ©, l’impuissance Ă  aimer », commente Albert BĂ©guin, directeur de la revue Esprit 1950-1957, qui fut son ami et l’un de ses premiers saints que Bernanos prĂ©fĂšre sont ceux qui sont restĂ©s enfants François d’Assise, Jeanne d’Arc, ThĂ©rĂšse de Lisieux, Charles de Foucault
 La Vierge Marie, elle-mĂȘme, est prĂ©sentĂ©e par le curĂ© de Torcy, dans Journal d’un curĂ© de campagne, comme la petite fille » du genre humain. Dans ses romans, les personnages qui s’approchent le plus de la saintetĂ© – Donissan, Chevance, le curĂ© d’Ambricourt, Chantal de Clergerie
 – sont des ĂȘtres restĂ©s enfants, sans habiletĂ©, sans imposture, sans l’honneurSous la plume de Bernanos, il n’y a pas d’espĂ©rance possible sans honneur, mais que faut-il entendre exactement par ce mot qui sonne aujourd’hui si vieille France » ? L’honneur n’a rien Ă  voir avec les titres et les dĂ©corations qui manifestent l’honneur social – l’écrivain a d’ailleurs refusĂ© quatre fois la LĂ©gion d’honneur, au motif que les gens d’honneur ne sont pas lĂ©gion », un fauteuil Ă  l’AcadĂ©mie française, parce qu’ il y a des vĂ©ritĂ©s qu’on ne saurait dire ni mĂȘme Ă©crire en habit de carnaval ». L’honneur tel que Bernanos l’envisage est ce qui fait qu’on peut s’estimer lĂ©gitimement soi-mĂȘme, alors que la haine de soi est toujours le signe de l’enfer. L’honneur, pour Bernanos, c’est l’estime de soi, le respect des valeurs qui sont importantes pour soi. Une fidĂ©litĂ© aux valeurs qu’on a cru devoir Ă©lire. Mais cette fidĂ©litĂ© ne peut ĂȘtre totale que si on fait confiance Ă  Dieu, indique Monique Gosselin-Noat. Toute rigiditĂ© pour rester fidĂšle Ă  des valeurs vous Ă©carte du droit chemin. »L’honneur a indĂ©niablement, chez Bernanos le monarchiste, des accents chevaleresques. Ses figures historiques sont Jeanne d’Arc, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle et les insurgĂ©s de juin 1940, mais l’honneur s’incarne tout autant dans les fidĂ©litĂ©s les plus quotidiennes. Il n’est pas le fait des hĂ©ros, mais celui des saints, qui cherchent non pas Ă  dĂ©passer la condition humaine, mais Ă  l’assumer jusqu’au bout, Ă  l’image du Christ. Au contraire, le diable, voyez-vous, c’est l’ami qui ne reste jamais jusqu’au bout », Ă©crit-il dans Monsieur manquer d’honneur ne condamne pas nĂ©cessairement. Car le salut ne se joue pas simplement sur le plan individuel. C’est un drame collectif, oĂč les ĂȘtres sont unis les uns aux autres. Bernanos croit en la communion des saints, qu’il envisage comme une solidaritĂ© entre humains, par laquelle les mĂ©rites des uns peuvent venir pallier les faiblesses des rĂ©seau de liens invisibles est une source d’espĂ©rance, car de mystĂ©rieux Ă©changes peuvent ainsi avoir lieu, comme entre Mouchette la criminelle et le curĂ© de Lumbres dans Sous le soleil de Satan, entre l’abbĂ© Chevance et la petite Chantal dans La Joie, entre Blanche de la Force et la prieure Mme de Croissy dans Dialogues des carmĂ©lites. On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou mĂȘme les uns Ă  la place des autres, qui sait ? » questionne Bernanos dans cette Ɠuvre la source intĂ©rieureBernanos en est convaincu, la vie intĂ©rieure est une nĂ©cessitĂ© pour l’homme. Ni le scientisme, ni le rationalisme, ni le psychologisme ne peuvent apporter de rĂ©ponses convaincantes au mystĂšre de sa destinĂ©e, Ă  l’affrontement du bien et du mal qui le dĂ©chire, Ă  l’angoisse de la mort qui le tenaille, Ă  la dĂ©livrance qu’il peut bien Ă©touffer en lui la vie intĂ©rieure, elle demeure prĂ©sente, telle une source cachĂ©e dans les profondeurs de son ĂȘtre que rien ne peut empĂȘcher de sourdre. Dans La LibertĂ©, pour quoi faire ?, il dĂ©crit cette source avec lyrisme Elle est lĂ  en chacun de nous, la citerne ouverte sur le ciel. Sans doute, la surface en est encombrĂ©e de dĂ©bris, de branches brisĂ©es, de feuilles mortes, d’oĂč monte parfois une odeur de mort. 
 Mais au-dessous de cette couche malsaine, l’eau est tout de suite si limpide et si pure ! Encore un peu plus profond, et l’ñme se trouve dans son Ă©lĂ©ment natal 
. La foi que quelques-uns d’entre vous se plaignent de ne pas connaĂźtre, elle est en eux, elle remplit leur vie intĂ©rieure, elle est cette vie intĂ©rieure mĂȘme par quoi tout homme, riche ou pauvre, ignorant ou savant, peut prendre contact avec le divin, c’est-Ă -dire avec l’amour universel, dont la crĂ©ation tout entiĂšre n’est que le jaillissement inĂ©puisable. »Aussi importe-t-il pour chacun de descendre en ce lieu intime, alors que le pĂ©chĂ© nous fait vivre Ă  la surface de nous-mĂȘme » journal, 24 janvier 1948. Bernanos lui-mĂȘme Ă©tait un homme de priĂšre, allant Ă  la messe chaque jour et rĂ©citant le brĂ©viaire seul quand il Ă©tait empĂȘchĂ© d’y Ă  cette source est toujours l’objet d’un combat spirituel et l’effort est encore plus important Ă  fournir dans la sociĂ©tĂ© technicienne », rĂ©gie par des logiques de rendement, de profit et de vitesse, contraires Ă  la vie spirituelle. La sociĂ©tĂ© moderne conspire » contre cette vie intĂ©rieure avec son activitĂ© dĂ©lirante, son furieux besoin de distraction et cette abominable dissipation d’énergies spirituelles dĂ©gradĂ©es » La LibertĂ©, pour quoi faire ?.Sous la pression de la vie moderne, la vie intĂ©rieure prend progressivement un caractĂšre anormal » et risque d’ĂȘtre remplacĂ©e par un vague retour sur soi la seule espĂšce de vie intĂ©rieure que le Technicien pourrait permettre serait tout juste celle nĂ©cessaire Ă  une modeste introspection, contrĂŽlĂ©e par le mĂ©decin, afin de dĂ©velopper l’optimisme », grince l’ fier Ă  la pauvretĂ©La pauvretĂ©, Bernanos n’en parle pas de loin, en amateur, en curieux » – comme il prend soin de le prĂ©ciser dans Les Enfants humiliĂ©s – mais en connaissance de cause. Toute sa vie, il a refusĂ© non seulement le culte de l’argent, mais aussi d’ordonner ses choix au confort de la vie matĂ©rielle. Il en aura payĂ© le prix. À de nombreuses reprises, sa correspondance Ă©voque les affres dans lesquels sa dĂ©cision de vivre de sa plume, sans se compromettre dans des publications secondaires alimentaires, l’aura plongĂ© avec sa Bernanos, la pauvretĂ© n’est pas la misĂšre, qui est un mal qui tue les hommes au fond de leur solitude, Ă  la maniĂšre de la dysenterie, de la fiĂšvre ou du typhus », constate l’écrivain, en 1940, du fond de ses terres brĂ©siliennes. ConsidĂ©rĂ©e positivement, la pauvretĂ© signale une vie placĂ©e sous le signe de l’Esprit et non de l’avoir. Celui qui est pauvre – dans l’ordre de la pauvretĂ© », les degrĂ©s sont variĂ©s – ne compte pas sur lui-mĂȘme, ne prĂ©tend pas maĂźtriser le pauvretĂ© peut alors ĂȘtre une libĂ©ratrice et une protectrice. La pauvretĂ© m’a beaucoup moins imposĂ© d’épreuves qu’épargnĂ© de sottises, et si les pauvres – je dis les pauvres, non pas les misĂ©rables, hĂ©las ! – voulaient ĂȘtre sincĂšres, ils reconnaĂźtraient comme moi que leur PauvretĂ© en agit de mĂȘme avec eux, qu’elle est la merveilleuse et gracieuse intendante non de leurs biens, mais de leur vie », tĂ©moigne le monde moderne, la pauvretĂ© est un dĂ©fi lancĂ© au culte idolĂątre de l’argent. DĂšs lors, l’espĂ©rance est liĂ©e au sort des pauvres, qui sont les pierres d’achoppement d’une sociĂ©tĂ© de l’efficacitĂ© et de l’avoir. L’espĂ©rance est au cƓur de la patience des pauvres », souligne Monique Gosselin-Noat. C’est Ă  eux que l’écrivain remet le salut du monde, car eux seuls n’ont pas perdu l’habitude de l’espĂ©rance dans un monde de dĂ©sespĂ©rĂ©s ». Le reste du monde dĂ©sire, convoite, revendique, exige, et il appelle tout cela espĂ©rer, parce qu’il n’a ni patience, ni honneur, il ne veut que jouir et la jouissance ne saurait attendre ; l’attente de la jouissance ne peut s’appeler une espĂ©rance, ce serait plutĂŽt un dĂ©lire, une agonie. L’espĂ©rance est une nourriture trop douce pour l’ambitieux, elle risquerait d’attendrir son cƓur. Le monde moderne n’a pas le temps d’espĂ©rer, ni d’aimer, ni de rĂȘver. Ce sont les pauvres qui espĂšrent Ă  sa place », Ă©crit Bernanos dans Les Enfants humiliĂ©s. 1 Georges Bernanos. La colĂšre et la grĂące, Seuil, 640 p., 25 €2 Le Porche du mystĂšre de la deuxiĂšme vertu, Gallimard, 192 p.,10,60 € TĂ©moin actif des plus grands Ă©vĂ©nements du 20Ăšme siĂšcle, Georges Bernanos fut, bien avant l’heure, un lanceur d’alerte » pour ses semblables et contre un monde en voie de dĂ©shumanisation. PĂšre de 6 enfants, fils d’une famille monarchiste, Bernanos fustige les impostures de son temps. 70 ans aprĂšs sa mort, le petit-fils et le petit-neveu de l’écrivain, s’appuyant sur une collection de photos inĂ©dites, d’archives et de correspondances, remontent le fil romanesque de sa vie et de son Ɠuvre. DUREE 52 mnUn film Ă©crit et rĂ©alisĂ© par Yves BERNANOS et Jean-Pascal HATTUIMAGE JĂ©rĂŽme KEMPA – Louise BOKAY – Yves BERNANOSSON Olivier PIODA – Jean-Pascal HATTUMONTAGE Nicole BRAMEMUSIQUE ORIGINALE BĂ©atrice THIRIETVOIX COMMENTAIRE Olivier CLAVERIEVOIX GEORGES BERNANOS Nicolas VAUDE DiIFFUSION France 3 Hauts de France Sept 2019

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