Notrequinzaine : On demande des hommes libres. RĂ©digĂ© par Philippe Maxence le 18 avril 2022 dans Ăditorial. Nous venons de fĂȘter lâĂ©vĂ©nement le plus considĂ©rable de lâhistoire du monde. Un Ă©vĂ©nement qui sâest produit une fois, mais qui retentit depuis sans cesse et qui ne peut, qui ne doit pas nous laisser indiffĂ©rents.
Alorsque la guerre fait un retour fracassant avec lâinvasion de lâUkraine par la Russie, rappelant les heures sombres des annĂ©es 1930,
Ilpourrait ĂȘtre remplacĂ© par la pose de sabots pour immobiliser le vĂ©hicule, ou mĂȘme la crevaison des 4 pneus!Pour en revenir Ă cette histoire, pour moi, tous les torts sont Ă cette bonne femme, qui non seulement se gare n'importe comment, mais en plus laisse sa fille de 10 ans dormir dans sa voiture, et laisse le moteur en marche!Trois infractions trĂšs graves
Ilest l'arriÚre-petit-fils de Georges Bernanos, ce grand écrivain chrétien, cette belle ùme éprise de liberté que, malgré son gaullisme, le Général n'était pas parvenu à attacher à son char. Combattant courageux et blessé lors de la Grande Guerre, d'abord proche de l'Action française, puis adversaire du fascisme, Bernanos était certes un rebelle, mais sa rébellion, était
GeorgesBERNANOS (1888-1948), La LibertĂ© pour quoi faire ? (1946) () Ce catholique engagĂ©, qui refusera tous les postes et tous les honneurs pour rester libre, prĂ©cise : « Je nâentends nullement opposer le capitalisme au marxisme
LĂ©crivain Georges #Bernanos, grand tĂ©moin des Ă©vĂ©nements majeurs du XXe siĂšcle, fut un lanceur dâalerte et un visionnaire. DĂ©couvrez ou re-dĂ©couvrez DĂ©couvrez ou re-dĂ©couvrez France 3 Nord Pas-de-Calais - Georges Bernanos, histoire d'un homme libre
PrĂ©cĂ©dent11 121314 15 Suivant FESTIVAL DU NOUVEAU THEATRE POPULAIRE Ă FONTAINE-GUĂRIN. Théùtre Les Bois d'Anjou 49250 Du 13/08/2022 au 27/08/2022 AprĂšs lâunitĂ©, la diversitĂ© ! Au terme de la mĂ©morable Ă©dition 2021 entiĂšrement consacrĂ©e Ă lâĆuvre de MoliĂšre, la troupe du Nouveau Théùtre Populaire a fait le choix pour 2022 de revenir Ă une programmation
Lespresses universitaires de lâUniversitĂ© Catholique San Antonio de Murcia â Espagne â publient un essai de Magdalena Padilla GarcĂa sur un texte de Georges Bernanos Les grands cimetiĂšres sous la lune : livre rĂ©digĂ© sur lâĂźle BalĂ©are de Majorque entre juillet 1936 et janvier 1937 et publiĂ© Ă Paris en 1938. SpĂ©cialiste de littĂ©rature française, lâuniversitaire espagnole
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á±ÎŒáŃŃÎč. Vay Tiá»n Online Chuyá»n KhoáșŁn Ngay. 1Au regard du nombre dâĂ©tudes portant sur les connecteurs, il est assez surprenant de constater que la locution prĂ©positive » [1] histoire de nâa non seulement jamais fait lâobjet dâune Ă©tude particuliĂšre, mais, plus encore, est trĂšs souvent absente des diffĂ©rentes listes de connecteurs dit argumentatifs », que ces listes soient proposĂ©es dans les Ă©tudes sur la notion mĂȘme de connecteur, ou dans celles sur la locution prĂ©positive, ou encore dans celles sur la grammaticalisation. Ainsi, lâouvrage rĂ©cent de Gross et Prandi 2004 dont un des nombreux mĂ©rites est de montrer la grande diversitĂ© des moyens dâexpression de la finalitĂ©, ne recense pas ce connecteur, pourtant dâun emploi courant Ă lâ article [2] propose donc un examen de histoire de tant au niveau de la caractĂ©risation de son statut catĂ©goriel â qui pose, comme nous le verrons, de multiples problĂšmes â quâau niveau de son fonctionnement discursif. Pour ce dernier point, la base Frantext non catĂ©gorisĂ©e constitue un observatoire bien commode, qui permettra non seulement de dater les premiers emplois de la forme elle-mĂȘme, mais de repĂ©rer Ă©galement des formes sĆurs » par exemple lâhistoire de rire, dâanalyser les contextes Ă©nonciatifs, et enfin dâidentifier les caractĂ©ristiques sĂ©mantiques des co-occurrences essentiellement le prĂ©dicat infinitival Ă droite de lâexpression. La nature de ces co-occurrences se rĂ©vĂ©lera fondamentale pour aborder lâinterprĂ©tation du Statut Quelle dĂ©nomination pour quel statut ?3Histoire de est identifiĂ© comme locution prĂ©positive par la plupart des dictionnaires et les rares travaux de linguistique qui mentionnent ce connecteur par ex. MĂ©lis 2003. Apparemment, ce statut grammatical ne donne pas lieu Ă dĂ©bat, si on suppose quâune locution prĂ©positive se dĂ©finit intuitivement comme une suite de mots formant une unitĂ© qui remplit en tant que telle la fonction dâune prĂ©position MĂ©lis 2003, 109. On peut dans un premier temps considĂ©rer que histoire de est constituĂ© dâune suite polylexicale formant un tout enregistrĂ© comme tel dans les dictionnaires, composĂ©e du nominal histoire et de la prĂ©position de. La locution est donnĂ©e comme Ă©quivalent fonctionnel de pour par ex. Le Petit Robert â sans quâil y ait nĂ©cessairement rĂ©ciprocitĂ©, mĂȘme si les exemples ci-dessus montrent une construction diffĂ©rente une construction liĂ©e » avec pour, une construction dĂ©tachĂ©e avec histoire de 1Nous irons au cirque pour nous changer les idĂ©es1âNous irons au cirque, histoire de nous changer les idĂ©es4Dans ce qui suit, nous remettons en cause, pour deux raisons, le terme de locution prĂ©positive appliquĂ© comme dĂ©signateur de histoire premiĂšre raison a dĂ©jĂ Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e pour dâautres connecteurs ; par exemple Gross et Prandi 2004 Ă propos de afin de et de afin que rappellent que la diffĂ©rence entre ces deux formes nâest pas imposĂ©e par une nature grammaticale distincte locution prĂ©positive et locution conjonctive, mais par une contrainte sĂ©mantico-grammaticale bien connue la corĂ©fĂ©rence ou non entre le sujet de la principale et celui de la subordonnĂ©e. De ce fait, il nây a pas de diffĂ©rence de nature entre afin de et afin que. Le raisonnement vaut Ă©videmment pour histoire de et histoire que [3]. On perçoit donc une limite Ă la terminologie classique qui, en sâappuyant sur des critĂšres morphologiques plutĂŽt que fonctionnels, oblitĂšre le fait que nous avons affaire Ă un mĂȘme type qui se rĂ©alise de deux façons second point a trait Ă lâĂ©lĂ©ment de » dans la composition histoire de. Nous considĂ©rons, au vu de la remarque prĂ©cĂ©dente, cet Ă©lĂ©ment comme un complĂ©menteur plutĂŽt que comme une prĂ©position pleine. Mais la question importante est de savoir si ce complĂ©menteur est vĂ©ritablement constitutif de la locution ; ou, dit autrement, si histoireet de forment bien un tout, une locution. Adler 2001 a attirĂ© lâattention sur ce problĂšme Ă propos de locutions prĂ©positives » autres que histoire de, en sâappuyant sur une argumentation qui sâapplique Ă©galement ici. Un certain nombre de tests simples appliquĂ©s Ă Ă cause de, au lieu de, en dĂ©pit de montrent que de ne peut vĂ©ritablement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme faisant partie de ces locutions il est seulement sĂ©lectionnĂ©, de mĂȘme que les verbes transitifs indirects ou les adjectifs dits âtransitifsâ apte Ă , capable de sĂ©lectionnent leur prĂ©position, et Ă travers elle, rĂ©gissent un complĂ©ment » Adler 2001, 162. Ainsi, la coordination ex. 2 et 2â, lâemploi dâune expression extraprĂ©dicative ex. 3 et 3â, ou encore lâalternance avec que selon la co-rĂ©fĂ©rence ou non entre les deux sujets.2Il a rĂ©ussi en dĂ©pit de sa maladie et de son Ă©tat moral ex. dâAdler2âCette derniĂšre voiture sâarrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© lâautre jusquâau parc, Ă travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire de flĂąner et de causer un instant. Ă. Zola, La Terre, 18873Il a rĂ©ussi en dĂ©pit, dâailleurs / dit-il, de sa maladie. ex. dâAdler3âCette derniĂšre voiture sâarrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© lâautre jusquâau parc, Ă travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire, dâailleurs / dit-il, de flĂąner et de causer un exemples ci-dessus indiquent que de » nâest pas soudĂ©, mais seulement gouvernĂ©. De lĂ , on ne peut le considĂ©rer raisonnablement comme Ă©lĂ©ment de la locution. Si la notion de locution peut rester pertinente pour en dĂ©pit, au lieu, etc., en raison de la premiĂšre prĂ©position qui, elle, reste soudĂ©e mais cette perspective nâest pas celle de Adler qui a une conception de la locution comme construction figĂ©e Ă des degrĂ©s divers â lâauteur prĂ©fĂšre donc parler de prĂ©positions simples pour Ă cause, au lieu, en dĂ©pit, elle nâest plus du tout pertinente pour histoire difficile, en effet, de considĂ©rer le morphĂšme histoire comme une voit bien le problĂšme terminologique que nous rencontrons dâune part, le terme de prĂ©position, ou mĂȘme lâadjectif prĂ©positive sont trop restrictifs dans la mesure oĂč, au regard de lâemploi conjonctif, on doit parler de rĂ©alisations diffĂ©rentes dâun mĂȘme type ; dâautre part, la notion de locution nâest plus pertinente. Nous parlerons donc simplement de connecteur, avec, Ă©videmment, les inconvĂ©nients bien connus dâun emploi trop FinalitĂ© ou causalitĂ© ?9Sans surprise, le discours lexicographique voit en histoire de [4] un introducteur de proposition finale. Mais lâidĂ©e de finalitĂ© inhĂ©rente Ă histoire de semble insuffisante. Ainsi, le Dictionnaire du Français usuel de Picoche et Rolland, introduit la notion de justification 10Histoire de + verbe Ă lâinfinitif fam. explication donnĂ©e par A1 Ă A2 pour justifier une action. Jâai agi ainsi, histoire de voir comment tu et justification sont des relations discursives relevant gĂ©nĂ©ralement de la cause ; par exemple, J. Hobbs 1990 fait de lâexplication un cas de relation causale. Mais on peut trĂšs bien concevoir quâune visĂ©e le procĂšs Y dans X, histoire de Y serve dâexplication Ă un acte X. Nous adopterons la catĂ©gorie aristotĂ©licienne [5] de cause finale pour caractĂ©riser la valeur de cohĂ©rence entre Y et X. En effet, comme nous lâavions montrĂ© dans Legallois 2006b, la valeur intentionnelle de X et la constitution de Y comme procĂšs Ă rĂ©aliser cf. les formes infinitivales ou le subjonctif [6] doivent ĂȘtre compris selon le schĂ©ma tĂ©lĂ©ologique suivant Lâintention de faire Y est Ă lâorigine de lâidĂ©e que Y est bien une motivation en mĂȘme temps que la cible de X. Ce schĂ©ma sâapplique Ă©videmment Ă dâautres connecteurs finaux, mais permet de prĂ©ciser le type de finalitĂ© dont il est question CaractĂ©ristiques13Si on considĂšre bien histoire de comme un mot grammatical, câest en raison uniquement de son Ă©quivalence fonctionnelle avec les prĂ©positions pour recouvrement partiel, afin de, dans lâobjectif de, dans le but de, dans lâintention de recouvrement total, et non pour son refus dâune modification adjectivale ou de la flexion du pluriel, puisque certains emplois nominaux observent la mĂȘme contrainte [7] ; par exemple 4Dans la * longue histoire, jâai oubliĂ© mes clefs chez Jacques5Câest une * petite histoire de minutes14Mais histoire de est manifestement un hapax grammatical. Il est en effet peu envisageable de rapprocher sa forme dâune autre expression. Les prĂ©positions nominales, par exemple, ont un fonctionnement discursif diffĂ©rent [thĂ©matisation 6, caractĂ©risation 7] et sĂ©lectionnent un nom 6Question / point de vue / cĂŽtĂ© science-fiction, il en connaĂźt un rayon7Un film genre / style James Bond15Faute de + inf. possĂšde une forme proche dĂ©tachement et construction infinitive. NĂ©anmoins, la construction faute que + subj. ne semble pas recevable, et histoire de ne peut ĂȘtre suivi par un nom sauf lâexemple atypique de 9.16On pourrait Ă©galement comparer histoire de au connecteur crainte de / que il est composĂ© dâun Ă©lĂ©ment nominal sans dĂ©terminant, il gouverne une proposition, il est construit par dĂ©tachement. Mais quelques traits plus ou moins dĂ©cisifs lâen distinguent comme le remarquent Gross et Prandi 2004, crainte de est dâun emploi littĂ©raire, alors que histoire de est recensĂ© comme familier ; il y a effacement il sâagit en fait du cas le moins frĂ©quent dâune prĂ©position avant crainte de / que par crainte de / de crainte de ; histoire de ne peut ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ© dâune prĂ©position. De plus crainte de connaĂźt la concurrence de la locution apparentĂ©e dans la crainte de 8Les Français se sont dĂ©sistĂ©s, dans la crainte de dĂ©penses excĂ©dant leurs faibles revenus ex. de Gross et Prandi 2004,17Histoire de ne peut connaĂźtre une telle concurrence. Crainte de peut introduire un GN, ce qui nâest pas possible pour histoire de, exceptĂ© cet emploi particulier et unique Ă notre connaissance relevĂ© par le TLF 9Jâai remis chez vous, en allant au chemin de fer, vos deux volumes non enveloppĂ©s, histoire de la grande prĂ©cipitation oĂč jâĂ©tais P. MĂ©rimĂ©e, Lettre Ă une Inconnue, 1858, t. 2.18On peut considĂ©rer cet emploi purement causal comme un calque de faute de + N / crainte de + diffĂ©rence, morphologique celle-ci, crainte est un dĂ©verbal, ce qui nâest pas le cas dâhistoire ; de plus, crainte reste sĂ©mantiquement transparent Gross et Prandi 2004 classent crainte de parmi les prĂ©dicats finaux de sentiment, alors que la signification de histoire est opaque dans cet concluons de ces observations rapides que histoire de constitue un hapax grammatical [8].2. Observation des occurrences dans la base Frantext21Nous avons procĂ©dĂ© au recensement exhaustif des 372 emplois du connecteur dans la base non catĂ©gorisĂ©e de Frantext. Ce recensement permet non seulement la datation des premiers emplois, mais Ă©galement de proposer quelques hypothĂšses sur la grammaticalisation du Datation des premiers emplois22La forme du premier emploi identifiĂ© est assez surprenante lâhistoire de rire, 1831, avec donc une dĂ©termination ;10CâĂ©tait, mon lieutenant, lâhistoire de rire⊠pour lors jâen arrĂȘte une par les cheveux et je lâembrasse⊠E. Sue, Atar-Gull, 183123On trouve deux autres fois dans Frantext [9] cette mĂȘme forme Ă la mĂȘme Ă©poque, dans le mĂȘme contexte des avances plus ou moins prononcĂ©es faites Ă des femmes et dans la mĂȘme construction ; toujours chez Sue en 1843 11âŠsi Alfred savait cela ?Ne mâen parlez pas, le sang me tourne rien que dây songer. Alfred est jaloux comme un BĂ©douin ; et pourtant, de la part du pĂšre Joseph, câest lâhistoire de rire, en tout bien, tout honneur. E. Sue, Les MystĂšres de Paris, 184324Mais Ă©galement chez Sand 1844 12Ce baiser sur la main ne tâa pas offensĂ©e ?â Oh ! Je voyais bien que ce monsieur ne voulait pas mâoffenser ; câĂ©tait lâhistoire de rire. G. Sand, Jeanne, 184425On ne peut faire ici que des conjectures soit, il sâagit dâune modification idiosyncrasique du connecteur histoire de, et une remotivation du statut nominal de histoire. Cela dĂ©montrerait que histoire de est dĂ©jĂ prĂ©sent dans le discours oral populaire avant 1830, sans ĂȘtre toutefois tout Ă fait stabilisĂ©. Soit ces extraits tĂ©moignent dâune Ă©tape dans la grammaticalisation, la forme lâhistoire de + infinitif dĂ©sormais disparue, dont nous nâavons que quelques attestations. Seul un examen plus prĂ©cis de la littĂ©rature populaire des annĂ©es 1820-1830 [10] pourrait ĂȘtre Ă©clairant, et permettrait dâargumenter en faveur de telle ou telle que la notion de grammaticalisation est, pour le cas de histoire de, sans doute mal appropriĂ©e puisquâil est impossible dâobserver avec certitude une forme libre constituant la base de cette autres occurrences, plus tardives, ont Ă©tĂ© repĂ©rĂ©es ; toujours dans le mĂȘme contexte 13ce nâest pas tant lâhistoire de regarder les femmes. Chez nous autres, on peut ĂȘtre sauvĂ© malgrĂ© les femmes. Un rabbin peut avoir une femme. G. Duhamel, Le Jardin des bĂȘtes sauvages, 193428Ou dans un autre 14si le vent ne fraĂźchit pas trop, je viendrai peut-ĂȘtre vous rĂ©veiller cette nuit, pour lâhistoire de rire, dit-elle. G. Bernanos, Un crime, 193529Ces emplois, certes trĂšs circonstanciĂ©s, pourraient avoir le mĂ©rite dâexhumer le passage dâune forme nominale figĂ©e Ă la forme grammaticale, ainsi, dâailleurs, que dâexhiber la tension entre les deux formes. Lâexemple de Bernanos, difficile Ă analyser en raison de son idiomaticitĂ©, semble ressusciter la prĂ©position causale pour, et plaiderait ainsi en faveur dâun effacement double prĂ©position et article dans le processus de grammaticalisation qui conserverait la trace de la causalitĂ©. Cependant, les exemples beaucoup plus anciens de Sue et Sand, donc plus prĂšs de lâorigine du connecteur, ne sont pas construits avec pour. En fait, dans Legallois 2006b, nous avons montrĂ© que lâidĂ©e de causalitĂ©, mais aussi de finalitĂ©, est inhĂ©rente au morphĂšme histoire. Un double marquage apparaĂźt donc ailleurs, dans le roman de F. SouliĂ© Les MĂ©moires du diable 1837, on peut Ă©ventuellement miser sur un indice en faveur de lâapparition de la construction histoire de vers les annĂ©es 1820-1830 non seulement parce que le premier emploi sans dĂ©termination est identifiĂ© dans ce roman de 1837 ainsi que dans CĂ©sar Birotteau 1837 de Balzac, mais aussi parce quâĂ plusieurs reprises, un personnage facĂ©tieux, prononce avant ses mĂ©faits, lâexpression histoire de rire. Elle constitue, comme le prĂ©cise Ă quatre reprises le narrateur, un infatigable refrain, un fameux mot qui devient diabolique 15ce mot rebutant quâil jette comme moralitĂ© au bout de toutes ses actions ; ce mot histoire de rire ! est souvent aussi sombre que le mot du trappiste frĂšre, il faut mourir ! F. SouliĂ©, Les MĂ©moires du diable, 183731On peut penser que lâexpressivitĂ© de ce mot » prononcĂ© aprĂšs que le personnage a produit des mauvaises actions, est redevable Ă son emploi sarcastique et sardonique, mais Ă©galement Ă sa rĂ©cence, Ă un moment oĂč la grammaticalisation a certes opĂ©rĂ© mais oĂč la nouveautĂ© surprend encore. LĂ encore, Ă©videmment, il sâagit dâune hypothĂšse de lecture. Nous notons encore lâusage unique dans ce roman, de la forme16Cependant toutes les farces de cet homme nâont pas eu pour but une vengeance ; lâhistoire de rire est le grand principe de ses tours. F. SouliĂ©, Les mĂ©moires du diable, 183732qui tĂ©moigne spectaculairement de la motivation nominale de la forme grammaticale. Le terme principe ici sâaccorde bien avec lâidĂ©e relevĂ©e plus haut dâune cause premiĂšre, donc dâune cause Contextes Ă©nonciatifs33Tous les premiers emplois apparaissent dans du discours direct, et ont pour locuteurs des personnages du peuple » sâexprimant dans un français familier. Notons Ă©galement que ces occurrences se situent dans le roman populaire feuilletonesque Sue, SouliĂ©, ou bien dans le roman rĂ©aliste Balzac, et non dans la littĂ©rature romantique de la mĂȘme Ă©poque aucun emploi de histoire de chez Stendhal ou chez Hugo [11]. Tout cela atteste, sâil en est, du caractĂšre familier et oral de lâexpression. Sauf erreur de notre part, le premier emploi identifiĂ© dans la narration avec un narrateur extradiĂ©gĂ©tique dans une narration sans je » â et non plus dans le discours direct â date de 1877, dans lâAssommoir de Zola Ă sept reprises. Par exemple 17Le soir mĂȘme, le zingueur amena des camarades, un maçon, un menuisier, un peintre, de bons zigs qui feraient cette bricole-lĂ aprĂšs leur journĂ©e, histoire de rendre service. Ă. Zola, LâAssommoir, 187734On constate que ces occurrences sont employĂ©es dans le discours indirect libre Dil. Le Dil, en plein essor Ă cette Ă©poque, constitue, en ce qui concerne le texte Ă©crit, un procĂ©dĂ© puissant pour une promotion du connecteur il permet la transition dâun emploi oral, reprĂ©sentĂ© dans les dialogues, vers des emplois de plus en plus indĂ©pendants du dialogal dâabord dans le Dil, oĂč la voix Ă©nonciative est encore celle dâun personnage, puis dans la narration ou lâĂ©nonciateur est le narrateur extradiĂ©gĂ©tique. On peut penser que ce nouvel usage tĂ©moigne dâune diffusion massive et dâune bonne intĂ©gration du connecteur dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe dans les Ă©crits DĂ©tachement35Mis Ă part quelques cas de ponctuation particuliĂšre et la structure clivĂ©e qui procĂšde par elle-mĂȘme Ă une sorte de dĂ©tachement câest histoire de rire, toutes les occurrences recensĂ©es se manifestent dans des constructions dĂ©tachĂ©es [12]. Le dĂ©tachement est le plus souvent matĂ©rialisĂ© par une virgule, mais aussi par les parenthĂšses, les deux points, une phrase construction dĂ©tachĂ©e est lâindice dâune prise en charge Ă©nonciative ; on peut la considĂ©rer comme une reprĂ©sentation iconique dâun dĂ©crochage Ă©nonciatif. En effet, le dĂ©tachement permet de mimer une pause dĂ©libĂ©rative, un moment de rĂ©flexion conduisant Ă re-Ă©valuer a posteriori X comme un procĂšs intentionnellement orientĂ© vers la rĂ©alisation de Y, dâoĂč lâeffet de justification ou dâexplication selon les contextes. Il ressort de cette observation que la responsabilitĂ© de la justification / explication par la cause finale incombe au locuteur, et non au rĂ©fĂ©rent sujet de la phrase sauf bien sĂ»r, si les deux coĂŻncident. Les co-occurrents37Outre le dĂ©tachement, un des points fondamentaux Ă souligner est le type de prĂ©dicat Ă lâinfinitif. Ainsi, on observe que sur les 372 emplois, le verbe intransitif rire et ses synonymes apparaĂźt 64 fois [13], voir intransitif et ses synonymes 18 fois, causer intransitif et ses synonymes 17, passer le temps et ses synonymes 18 et boire / manger 13. MĂȘme si moins frĂ©quentes, dâautres co-occurrences sont observables se dĂ©gourdir les jambes, soufflerâŠ. Histoire de rire et les autres prĂ©dicats inconsistants » Y comme intention limitĂ©e38Histoire de rire [14] est employĂ© de façon massive ; on peut considĂ©rer quâil sâagit dâune collocation Ă lâentrĂ©e rire le Petit Robert et le TrĂ©sor de la Langue française informatisĂ© donnent histoire de rire. Incontestablement, tous les premiers emplois du connecteur sĂ©lectionnent le verbe rire et constituent une alternative Ă pour rire, une autre collocation pour de rire apparaĂźt dans Frantext chez E. Sue, en 1845, soit approximativement Ă la mĂȘme Ă©poque que histoire de. Dans cet emploi, rire mais aussi les autres co-occurrents rĂ©currents â boire / manger, voir, passer le temps, etc. constitue ce que nous appellerons un procĂšs inconsistant », câest-Ă -dire un procĂšs qui ne possĂšde pas dâeffets ou de consĂ©quences notoires. DâoĂč cette valeur si le procĂšs est inconsistant, lâintention qui est Ă son origine ne peut ĂȘtre elle-mĂȘme quâune intention simple. Ainsi, justifier lâaction X par lâintention de rĂ©aliser un procĂšs inconsistant, permet de circonscrire X dans un cadre limitĂ©, sans effets pourrions aller jusquâĂ dire que dans certains emplois, lâĂ©nonciateur nâessaye pas vĂ©ritablement de donner les explications ou justifications dâun procĂšs, mais quâil les donne tout de mĂȘme, en manifestant cependant par lâemploi de motifs stĂ©rĂ©otypĂ©s son indiffĂ©rence ou son dĂ©tachement envers cette justification. Câest ce que montre, selon nous, lâemploi avec un complĂ©ment Ă de 25 cf. plus bas frĂ©quent Ă lâ encore quâun complĂ©ment inconsistant » est Ă©galement une valeur prĂ©sente dans certains emplois nominaux figĂ©s 18Câest une histoire de minutes19Câest lâhistoire dâune minute ou deux20Câest lâhistoire dâun ou deux couverts de plus41La quantification est nĂ©cessairement vue comme nĂ©gligeable, peu consistante », dans les emplois quâil faudrait rapprocher de 10, 11, ailleurs, lâemploi relativement frĂ©quent 40 / 367 dâun quantificateur faible » ou dâun dĂ©terminant indĂ©fini est tout Ă fait congruent avec la valeur dâinconsistance. Par exemple 21Histoire de prendre un peu lâair, je suis allĂ© manger un morceau en ville. Ph. Djian, 37Ë2 le matin, 198522Il paraĂźt quâil sâĂ©tait mis en colĂšre une seule fois, mais de cette colĂšre contre un voisin qui avait dĂ©placĂ© les bornes dâun champ, histoire de gagner quelques mĂštres. J. Lanzmann, Le TĂȘtard, 197623Cette derniĂšre voiture sâarrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© lâautre jusquâau parc, Ă travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire de flĂąner et de causer un instant. Ă. Zola, La Terre, 188724Histoire de lui acheter quelque chose, Pierre acquiert pour sa sĆur quelques images pieuses, imprimĂ©es au temps des combats. J. Rouaud, Les Champs dâhonneur, 199025Il attendit pour voir si un con en treillis rirait de son esprit. Il lui aurait fait faire une petite marche de nuit, histoire de. J. Vautrin, Bloody Mary, 1979 [15] Effets de sens43Bien sĂ»r, tous les arguments ne rĂ©fĂšrent pas nĂ©cessairement Ă des procĂšs inconsistants. Dans Frantext, la complĂ©mentation par des procĂšs Ă la fois non intrinsĂšquement inconsistants » et non rĂ©currents, apparaĂźt dĂšs 1840 26Jâai soutirĂ© douze francs Ă votre beau-pĂšre, les voilĂ âŠâ Et comment as-tu fait ?âŠâ Ne voulait-il pas voir les bassines et les provisions de monsieur, histoire de dĂ©couvrir le secret. Je savais bien quâil nây avait plus rien dans la petite cuisine ; mais je lui ai fait peur comme sâil allait voler son fils, et il mâa donnĂ© deux Ă©cus. H. Balzac, Illusions perdues, 1843.44DĂ©couvrir le secret nâest pas par lui-mĂȘme inconsistant, mais, en tant que complĂ©ment de histoire de, il est malgrĂ© tout construit par lâĂ©nonciation comme objet dâune lubie, dâun caprice, câest-Ă -dire dâune intention bien rĂ©elle de la part du beau-pĂšre, mais dĂ©considĂ©rĂ©e par le locuteur. Les Ă©crivains ont su jouer de cette pression de la forme sur le complĂ©ment phrastique ; mais dâabord, considĂ©rons deux exemples construits qui paraissent incongrus ou particuliĂšrement cyniques 27Hitler a armĂ© lâAllemagne, histoire dâenvahir lâEurope28Paul a pris des mĂ©dicaments, histoire de se suicider45Envahir lâEurope ou se suicider sont des actions ayant des consĂ©quences particuliĂšrement graves, qui ne peuvent, par consĂ©quent, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme les objets dâune simple intention. Parmi les nombreux exemples de ce type dans Frantext, on relĂšvera 29Il en prit une, lâalluma et tira dessus comme un crapaud, histoire de salir un peu plus ses bronches A. Jardin, Bille en tĂȘte, 198646Se salir un peu plus les bronches est certes un procĂšs consistant par lui-mĂȘme, puisquâoccasionnant des effets dĂ©vastateurs ; histoire de configure ce procĂšs comme ne possĂ©dant pas de consĂ©quences notoires â dâoĂč lâeffet humoristique quelque peu corrosif. Mais il y a plus, est construit ici un rapport intentionnel entre tirer dessus comme un crapaud et se salir les bronches, rapport qui nâexiste pas objectivement, mais qui est le fait de lâĂ©nonciateur. De mĂȘme, dans30Jâai jetĂ© un coup dâĆil un peu triste sur les baraques et je me suis coltinĂ© un bidon de vingt-cinq kilos le long du chemin, histoire de me cisailler un peu les doigts Ph. Djian, 37Ë2 le matin, 1985.47une relation intentionnelle incongrue est imposĂ©e par la 31Mais, avec une malice appuyĂ©e, il se disait nĂ©anmoins sĂ©duit par les mouvements en cours histoire de montrer quâil restait jeune et de gauche J. Kristeva, Les Samourais, 199049 Montrer que lâon reste jeune et de gauche » nâest pas intrinsĂšquement sans valeur, mais est ici configurĂ© comme tel. Cette inconsistance est en fait un jugement de lâĂ©nonciateur ici le narrateur, jugement nĂ©gatif dâailleurs anticipĂ© par avec une malice appuyĂ©e, et qui façonne lâethos du personnage quelquâun de puĂ©ril, sur le retour et ayant perdu ses idĂ©aux. Câest le regard du narrateur qui est ironique ici, et non pas le rapport entre lâintention de faire Y et celle de faire X comme dans 30. Le procĂšs X dans la limite dâune configuration50Lâexamen des procĂšs inconsistants permet donc de comprendre les effets pragmatiques de histoire de. Mais les remarques faites jusquâĂ maintenant nâexpliquent sans doute pas les motivations de lâemploi du mot si la notion dâexpressivitĂ© est incontestablement peu objective, elle permet de rendre compte de lâimpression ressentie Ă la lecture des exemples histoire de est plus colorĂ© » que pour ; ainsi 29 comparĂ© Ă 32Il en prit une, lâalluma et tira dessus comme un crapaud, pour se salir un peu plus ses bronches ;52est bien plus expressif dans la mesure oĂč histoire de, par rapport Ă pour en dit un peu plus ». Cette expressivitĂ© pourrait sâexpliquer ainsi en Ă©tant attentif au fonctionnement nominal Legallois 2006b, on peut observer que le nom est utilisĂ© pour circonscrire un ensemble cohĂ©rent dâĂ©vĂ©nements qui ont pour seule Ă©paisseur ontologique leur participation Ă une finalitĂ© prĂ©cise. Ils sont orientĂ©s vers une seule fin ; suivant en cela la narratologie, il est possible de dĂ©signer cette fonction par le terme de configuration. Cette configuration peut ĂȘtre un ensemble dâĂ©vĂ©nements vus comme cohĂ©sifs, toujours orientĂ© vers la rĂ©alisation dâun objet un devenir ; il sâensuit que tout Ă©vĂ©nement de la configuration nâa pas dâautre rĂ©alitĂ© câest-Ă -dire pas dâautres effets ailleurs que dans ce cadre. Des emplois nominaux jouent argumentativement sur cet aspect fermĂ© sur elle-mĂȘme » de lâhistoire 33Ce ne sont pas tes histoires ! Nâinterviens pas lĂ -dedans34Tes histoires nâintĂ©ressent personne35Nâaie pas peur, ce nâest quâune histoire36Je ne crois pas Ă ce qui vient dâarriver Ă Paul ! Câest une histoire de fou !37Je nâentre pas dans cette histoire lĂ dans le sens, je nâentre pas dans ces considĂ©rations / dans la combine53Ă chaque fois, ces expressions relativement figĂ©es, exploitent le potentiel sĂ©mantique de histoire configurer des Ă©vĂ©nements et leur refuser toute rĂ©alitĂ© en dehors de cette configuration. De mĂȘme, histoire de met en jeu cette valeur dans X, histoire de Y, le procĂšs X est dit justifiĂ© par sa seule finalitĂ©, rĂ©aliser Y » dâoĂč la valeur restrictive soulignĂ©e plus haut. Ainsi, 32, tout en possĂ©dant les mĂȘmes effets, est moins expressif que 29 car pour ne dit pas ce que dit histoire Il en prit une, lâalluma et tira dessus comme un crapaud, est conceptualisĂ© comme ensemble de procĂšs limitĂ©s Ă un cadre / configuration, Ă un scĂ©nario en dehors duquel cet ensemble nâaurait aucune raison dâ rĂ©capitulons ici nos observations histoire de, qui peut difficilement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une locution en raison du comportement de de, est un connecteur apparaissant dans la littĂ©rature vers 1837 â peut-ĂȘtre comme grammaticalisation et gĂ©nĂ©ralisation dâune premiĂšre forme lâhistoire de rire, mais les donnĂ©es sont trop insuffisantes pour que nous soyons affirmatifs. Son caractĂšre expressif est lâhĂ©ritage dâun emploi oral populaire. EmployĂ© systĂ©matiquement en construction dĂ©tachĂ©e, il introduit un procĂšs conçu comme une cause finale servant Ă justifier ou Ă expliquer le recours Ă une action. Le point de vue exprimĂ© par histoire de est subjectif, produit par lâĂ©nonciateur et non par le rĂ©fĂ©rent du sujet conjonction sĂ©lectionne dâabord chronologiquement et statistiquement le prĂ©dicat rire, Ă une Ă©poque oĂč apparaĂźt Ă©galement pour de rire et oĂč pour rire constitue dĂ©jĂ une expression idiomatique. Le trait inconsistant de ce verbe et dâautres co-occurrents rĂ©vĂšle que le procĂšs X est motivĂ© par une intention simple » la rĂ©alisation de Y, et quâil nâa pas dâautres effets en dehors de cette configuration. Ainsi, nous pouvons considĂ©rer histoire de + inf / que P comme une construction, au sens des Grammaires de Constructions [16], câest-Ă -dire une forme phrasĂ©ologique mi-lexicale, mi-grammaticale, Ă laquelle est inhĂ©rente une valeur sĂ©mantico-pragmatique. Notes [1] Nous verrons que la notion de locution prĂ©positive » appliquĂ©e Ă histoire de est discutable. [2] Signalons que cet article fait suite Ă un prĂ©cĂ©dent Legallois 2006b, dans lequel il sâagit de dĂ©terminer la sĂ©mantique du fonctionnement nominal du mot histoire, ainsi que, dans les limites dâun premier aperçu, de poser les prĂ©mices dâune analyse du connecteur. [3] Il nây a que cinq occurrences de histoire que P dans Frantext. [4] Nous adoptons dĂ©sormais cette notation. pour indiquer que de nâest pas intĂ©grĂ©. [5] Cause finale, cause matĂ©rielle, cause efficiente et cause formelle forment la notion de αÎčÎčÎżÎœ [aition] dans la MĂ©taphysique dâAristote. [6] Les locutions conjonctives qui servent Ă construire les propositions finales entraĂźnent lâemploi du mode subjonctif dans la mesure oĂč elles explicitent cette intention Wagner et Pinchon 1962, § 699. [7] On devrait Ă©voquer la non-dĂ©termination de histoire, contrairement Ă lâobjectif, le but, lâintention et mĂȘme Ă la seule fin de. [8] Hapax⊠pas tout Ă fait ! Ă lâheure oĂč nous bouclons, notre collĂšgue Mathilde Salles nous signale la prĂ©sence de la forme question de + inf. dans les romans de CĂ©line ; par exemple Je lâĂ©coutais battre son cĆur, question de faire quelque chose dans la circonstance, les quelques gestes quâon attendait CĂ©line, Voyage au bout de la nuit. AprĂšs examen sur Frantext, nous nâavons trouvĂ© ce type dâemploi â concurrent de histoire de â que chez cet auteur. [9] En plus de lâex. 16, plus bas, mais qui apparaĂźt dans une forme non clivĂ©e. [10] Mais on imagine bien que sans numĂ©risation, la tĂąche est colossale. [11] On trouve une occurrence chez Hugo dans Actes et Paroles III. [12] 51 occurrences prĂ©sentent un dĂ©tachement frontal, place privilĂ©giĂ©e pour une portĂ©e plus grande du circonstant et une fonction dâorganisation textuelle. MalgrĂ© tout, aprĂšs examen, il est difficile de dire que histoire de a une portĂ©e au-delĂ de la phrase. [13] Le roman de SouliĂ© mentionnĂ© ci-dessous Ă recours, Ă lui seul, 17 fois au verbe rire. MĂȘme en pondĂ©rant, rire est de loin le prĂ©dicat le plus employĂ©. [14] On ne doit pas sous-estimer la motivation anthropologique » de la grammaticalisation de histoire. Les histoires sont souvent racontĂ©es pour rire, pour passer le temps. [15] Exemple qui contredit MĂ©lis 2003, 114 qui affirme que histoire de et Ă cause de nĂ©cessitent obligatoirement un complĂ©ment cela est seulement exact pour Ă cause de. On parlera, pour cet exemple, dâun complĂ©ment Ă. [16] Cf. A. Goldberg 1995, Ch. Fillmore et al. 1988 pour la construction let alone cf. E. Roussel ici mĂȘme, D. Legallois et J. François 2006a.
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Jour dâhiver, 1922. Un cafĂ© de gare banal, quelque part dans lâest de la France. Dans un coin de la salle, un homme est attablĂ© et Ă©crit sur un petit cahier dâĂ©colier. Le geste de la main est vif, visiblement guidĂ© par une impulsion intĂ©rieure, qui concentre les traits de son visage. Mais de temps Ă autre, lâhomme relĂšve la tĂȘte et sâabĂźme dans la contemplation de ceux qui lâentourent un ivrogne qui sâattarde au bar, une mĂšre qui berce son enfant, un couple en pleine dispute, une serveuse qui sourit malgrĂ© sa fatigue⊠Ce quâil capte, absorbe comme un buvard, par une attention dĂ©licate et soutenue, câest la vie des hommes et des femmes, leur inlassable effort pour y a un siĂšcle, Georges Bernanos nâest pas encore un Ă©crivain reconnu. Il est alors employĂ© de la compagnie dâassurances La Nationale, pour laquelle il sillonne les dĂ©partements de lâest de lâHexagone. Entre deux rendez-vous, il Ă©crit dans les bistrots et les restaurants â une habitude quâil gardera toute sa vie â, ce qui deviendra son premier roman, Sous le soleil de Satan, publiĂ© en 1926.â CRITIQUE. Georges Bernanos », de François Angelier une plume tendue entre terre et cielTravailler dans les assurances, voilĂ ce que lâon peut appeler un contre-emploi pour cet homme fougueux, qui dĂ©teste la sĂ©curitĂ© et le confort. Ce gagne-pain lui donne le sentiment de gĂącher sa vie, mais il lâa acceptĂ© en 1919 pour subvenir aux besoins de sa famille. Avant la guerre, Ă lâissue de ses Ă©tudes de droit et de lettres, le jeune homme alors journaliste avait brillĂ© dans la presse monarchiste Ă Paris, puis Ă tempĂ©tueux et mĂȘme bagarreur, il sâĂ©tait fait remarquer par ses coups dâĂ©clat aux cĂŽtĂ©s des Camelots du roi, le mouvement nationaliste et antirĂ©publicain de Charles Maurras. Mais les cinq ans quâil vient de passer au front lâont changĂ©. Les combats de rue, les controverses faciles et le dandysme maurrassien ne lâintĂ©ressent Georges Bernanos, vers 1930. / Henri Martinie/© Henri Martinie / Roger-Violle Bernanos est entrĂ© en Ă©criture comme dâautres entrent dans les ordres. Avec le mĂȘme sentiment dâun appel reçu et la mĂȘme radicalitĂ©. Sa dĂ©cision sourd du traumatisme du premier conflit mondial encore fumant, dans lequel il a Ă©tĂ© pris comme tous ceux de sa gĂ©nĂ©ration. Au front, il a fait lâexpĂ©rience de lâoisivetĂ© et de lâennui, mais aussi du feu meurtrier et de la dĂ©rĂ©liction dans lâangoisse pleine et entiĂšre » de la guerre, il a lu PĂ©guy et Bloy. Sa foi catholique, ardente depuis lâenfance, sâest Ă©mondĂ©e. LâexpĂ©rience du naufrage est aussi celle de la prĂ©sence absente de Dieu. Dieu seul peut dĂ©brouiller ce chaos de sacrifices surhumains, de blasphĂšmes et dâadorations, de haine et dâamour », Ă©crit-il dans une lettre, en remĂšde spirituelDĂ©mobilisĂ© en 1919, Bernanos revient, blessĂ© et dĂ©corĂ©, dans une sociĂ©tĂ© fĂ©brile qui sâenivre de divertissements pour oublier la tragĂ©die et dĂ©grade le sacrifice de sa jeunesse en pompes commĂ©moratives ou en arguments politiciens. ĂcĆurĂ© par lâhypocrisie de lâarriĂšre et les mensonges dâĂtat, par la violence inĂ©galĂ©e dâune guerre industrielle, Bernanos veut sâengager dans une contre-offensive Ă cette dĂ©route que la crise que traverse la France est spirituelle, il lui cherche un remĂšde de mĂȘme nature. Ce que tant dâimbĂ©ciles tiennent pour des nuĂ©es creuses, la justice, lâhonneur, la foi, je les tiens pour des vivants plus vivants quâeux », avait-il constatĂ© au front. Bernanos se met Ă Ă©crire pour racheter le langage dĂ©figurĂ© par la propagande. Il ne veut pas parler de lâespĂ©rance avec un langage corrompu, souligne François Angelier, auteur dâune rĂ©cente biographie sur lâĂ©crivain 1. Le mot âespritâ fait partie des mots quâil a tentĂ© de racheter, comme âcourageâ, âhonneurâ, âsaintetĂ©â ou âsacrificeâ⊠Tous ces termes utilisĂ©s par les communicants et les publicitaires pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, il veut les rendre Ă la langue. » Dialogues des carmĂ©lites de Francis Poulenc », est la premiĂšre adaptation française Ă lâopĂ©ra du roman de Bernanos, le 30 octobre 2004 Ă lâOpĂ©ra Bastille, Paris. / Colette Masson / Roger-Violle La mort, Bernanos lâa cĂŽtoyĂ©e sous les drapeaux, mais ce nâest pas leur premiĂšre rencontre. Depuis lâadolescence, cette pensĂ©e angoissĂ©e accompagne son quotidien. Ce nâest pas que son enfance ait Ă©tĂ© malheureuse, ni traumatisante, au contraire. NĂ© Ă Paris en 1888, il a grandi dans la sĂ©curitĂ© et lâaffection, entourĂ© dâun pĂšre tapissier-dĂ©corateur dont les affaires auprĂšs dâune clientĂšle aristocratique marchent fort bien, et dâune mĂšre dont il louera la douceur et la la belle propriĂ©tĂ© familiale de Fressin, dans la campagne de lâArtois, rĂ©sidence secondaire puis principale des Bernanos, le petit Georges a connu le confort de la vie bourgeoise et vĂ©cu avec intensitĂ© les plaisirs de la vie au grand air. Ce monde rural encore sauvage, peuplĂ© de paysans et de prĂȘtres en soutane, constituera le panorama de ses futurs romans.â CRITIQUE. Georges Bernanos, prophĂšte pour notre temps », par Mgr Patrick ChauvetCette jeunesse heureuse, qui restera la boussole de sa vie, est pourtant assombrie par une santĂ© fragile et des Ă©pisodes maladifs rĂ©currents. SâĂ©veille tĂŽt en lui le profond sentiment de lâimpermanence des choses. Depuis longtemps â Ă cause de la jeunesse maladive et des prĂ©cautions quâon me faisait prendre â je crains la mort, et par malheur, peut-ĂȘtre mon ange gardien dirait-il par bonheur, jây pense toujours. La plus petite indisposition me semble le prĂ©lude de cette derniĂšre maladie dont jâai si peur », Ă©crit-il Ă un professeur devenu confident, Ă 17 de lâĂąme humaineLa mort va hanter toutes les fictions de Bernanos, depuis Sous le soleil de Satan, succĂšs immense qui le propulse sur le devant de la scĂšne littĂ©raire, jusquâaux Dialogues des carmĂ©lites, texte publiĂ© Ă titre posthume en 1949, oĂč la peur de la mort est surmontĂ©e dans le don de y prend des formes variĂ©es â le crime, le suicide, la mort de lâinnocent, la mort sacrificielle⊠â, mais porte toujours le mĂȘme scandale de lâarrachement au monde, que lâauteur aime profondĂ©ment. Jâignore si la vie mâaime, mais le bon Dieu mâa fait la grĂące de bien aimer la vie, la vie que les imbĂ©ciles parcourent Ă toute vitesse, sans prendre le temps de la regarder, la vie pleine de secrets admirables quâelle met Ă la disposition de tous, et que personne ne lui demande jamais », Ă©crira-t-il Ă la fin de ses jours.â Ă LIRE. La Plume et le goupillon » Ă©crivain catho, quĂšsaco ?Peintre de lâĂąme humaine, Bernanos dĂ©ploie dans ses romans un imaginaire tourmentĂ©, oĂč le nuancier des ombres semble infini. Il fait surgir des campagnes nocturnes, oĂč les hommes sâenlisent dans la boue de leurs rancĆurs et de leurs rĂȘves déçus, compose des intĂ©rieurs bourgeois oĂč ils guettent leur vain reflet dans les miroirs des mondanitĂ©s. Entre ciel et terre, il dresse une scĂšne pour raconter lâĂ©popĂ©e de lâhumanitĂ© confrontĂ©e Ă la souffrance, Ă la malveillance, au mĂ©pris, mais oĂč un geste de compassion, un regard, une prĂ©sence, peuvent fendre les tĂ©nĂšbres, et faire briller une lumiĂšre film Le journal d' un cure de campagne », d'aprĂšs Georges Bernanos, rĂ©alisĂ© par Robert Bresson, avec Claude Laydu et Nicole Ladmiral, est sorti en 1951. / Rue des Archives/Rue des Archives/RDA Câest sous le signe de la dĂ©faite que sâavance la cohorte humaine, et câest pourquoi lâespĂ©rance est la grande affaire de lâĆuvre de Bernanos. Une espĂ©rance qui nâa rien Ă voir avec lâoptimisme, que lâĂ©crivain moque, mĂ©prisant ceux qui font profession dâoptimisme sous prĂ©texte quâil ne faut dĂ©courager personne », renvoyant dos Ă dos lâoptimiste, imbĂ©cile heureux » et le pessimiste, imbĂ©cile malheureux ». Chez Bernanos, lâespĂ©rance nâest pas une bouffĂ©e dâair qui arrive en ouvrant la fenĂȘtre, elle se conquiert par une traversĂ©e des apparences, souligne François Angelier. Câest un voyage au bout de la nuit, mais pour Bernanos une aurore se lĂšve au bout de la nuit. Le paradis est derriĂšre des murs. On y arrive couverts de gravats, aprĂšs avoir percĂ© le dĂ©sespoir. »Ăcrivain de lâespĂ©ranceLâespĂ©rance ne prend rĂ©ellement consistance que par le contraste de ce Ă quoi elle sâoppose la dĂ©sespĂ©rance. Il faut avoir touchĂ© le fond de la dĂ©sespĂ©rance pour pouvoir espĂ©rer, avoir touchĂ© cette humiliation souvent partagĂ©e par les hommes et les femmes, hier comme aujourdâhui », complĂšte le pĂšre François Marxer, professeur dâhistoire de la spiritualitĂ© et de thĂ©ologie spirituelle au Centre SĂšvres-FacultĂ©s jĂ©suites de Paris. Chez Bernanos comme chez saint Paul, la crĂ©ation est prise dans les tourments dâun gigantesque accouchement. Câest lĂ quâintervient lâespĂ©rance on nâespĂšre que parce quâon ne sait pas vers quoi lâon va. Si on le savait, il nây aurait pas Ă espĂ©rer. LâespĂ©rance est alors la confiance en une promesse, celle que âRien ne pourra nous sĂ©parer de lâamour du Christâ Rm 8,35. »Dans le jeu des forces qui travaillent le monde, peu dâĂ©crivains auront comme lui pris part aux combats de leur temps pour dĂ©fendre la dignitĂ© de lâhomme, avec une libertĂ© qui le rend inclassable sur lâĂ©chiquier politique. En 1932, il formalise son opposition au monde bourgeois et capitaliste, sa hantise du conformisme et de la sociĂ©tĂ© technique dans La Grande Peur des vivre Ă Majorque en 1934, il assiste Ă la guerre civile espagnole et Ă la rĂ©pression des troupes franquistes, quâil dĂ©nonce avec courage et dont il tĂ©moignera dans Les Grands CimetiĂšres sous la lune 1938. ParallĂšlement, il sâoppose trĂšs tĂŽt au fascisme italien et au nazisme. Avec son dĂ©part pour le BrĂ©sil en 1938, son regard ne perd rien en acuitĂ© malgrĂ© la distance. Il sâalarme des reculades devant Hitler et conspue lâesprit de Munich ». Apprenant avec horreur la capitulation de la France et la signature de lâarmistice en juin 1940, il condamne immĂ©diatement le rĂ©gime de Vichy et prend le parti de De Gaulle. Mouchette », de Robert Bresson avec Nadine Nortier, sorti en 1967, est lâadaptation du roman de Bernanos Nouvelle histoire de Mouchette ». / Rue des Archives/Rue des Archives/RDA CĂ©lĂ©brĂ© comme lâune des grandes voix de la RĂ©sistance aprĂšs-guerre, Bernanos aurait pu rentrer dans le rang, jouir des honneurs. Dans la droite ligne de ses prĂ©cĂ©dentes batailles, un autre combat va pourtant sâimposer Ă lui. Au lendemain de Hiroshima et alors que lâamerican way of life sâannonce comme le nouvel horizon de la France, lâĂ©crivain pressent lâavĂšnement de la civilisation des Machines », celle dâun totalitarisme capitaliste et technique, qui soumet tout Ă la logique du profit, de lâefficience et du rendement, au culte de la vitesse et de lâargent. RestĂ© fidĂšle Ă une vision idĂ©alisĂ©e de la monarchie, Bernanos critique la dĂ©mocratie comme un bouclier ridicule face Ă ce danger, raille la naĂŻvetĂ© des anciens rĂ©sistants, et notamment des ses propos ne manquent pas dâoutrances, celles-ci sont Ă la hauteur de son inquiĂ©tude et de sa dĂ©ception de voir les Français ne sortir dâune imposture que pour rentrer dans une autre ». Quoi quâil en soit, lâavenir lui paraĂźt tĂ©nĂ©breux. LâĂtat technique nâaura demain quâun seul ennemi âlâhomme qui ne fait pas comme tout le mondeâ â ou encore âlâhomme qui a du temps Ă perdreâ â ou plus simplement si vous voulez âlâhomme qui croit Ă autre chose quâĂ la Techniqueâ », alerte-t-il dans La France contre les prophĂšte radical Dans la critique de la sociĂ©tĂ© technicienne, Bernanos prĂ©cĂšde le cortĂšge des Ellul, Charbonneau, GĂŒnther Anders et tous les autres », analyse François Angelier. Ă relire ses derniers Ă©crits aujourdâhui, câest la voix dâun prophĂšte, avec sa radicalitĂ©, que lâon entend. Rien du monde moderne nâĂ©chappe aux foudres de Bernanos, au point quâon a pu lui reprocher de cĂ©der Ă la tentation du dĂ©sespoir, qui suinte aussi de son dernier roman Monsieur Ouine 1946.LâĂ©crivain est convaincu que la rĂ©ponse est spirituelle, or il constate que le monde se dĂ©spiritualise. Il attend une Ăglise des BĂ©atitudes, marquĂ© du sceau de la justice et de la pauvretĂ©, et son Ăglise ne cesse de se compromettre avec les puissants. Nây aurait-il pas de quoi perdre courage ? Pourtant sous la surface des choses, il y a une profondeur oĂč Dieu travaille, il y a une endurance de Dieu, qui ne sâavoue jamais vaincu, mĂȘme sâil se heurte Ă beaucoup de refus et surtout dâindiffĂ©rence, souligne le pĂšre François Marxer. Bernanos Ă©met une protestation presque rageuse contre la lĂąchetĂ© des hiĂ©rarques ecclĂ©siastiques, mais il croit Ă la petite bontĂ© des petites gens, Ă la saintetĂ© qui sâignore. »GĂ©rard Depardieu incarne lâabbĂ© Donissan dans Sous le soleil de Satan, de Maurice Pialat, sorti en 1987. Pour lâĂ©crivain, surtout, Dieu nâest pas prisonnier de lâĂglise et son amour emprunte dans le monde des chemins toujours inattendus. Bernanos nâest pas clĂ©rical du tout. Il croit aux valeurs de justice, de charitĂ©, dâĂ©galitĂ© et celui qui sâengage pour ces valeurs se conduit Ă ses yeux en chrĂ©tien, quâil le sache ou non », complĂšte Monique Gosselin-Noat, professeure honoraire des universitĂ©s, spĂ©cialiste de lâĆuvre de Bernanos. Ainsi, Bernanos est convaincu quâil y a des forces surnaturelles en marche partout, qui travaille le monde comme le levain dans la pĂąte. »InquiĂ©tants, vĂ©hĂ©ments, ses derniers Ă©crits sont toujours portĂ©s par son immense tendresse pour lâhumanitĂ© et par son absolue fidĂ©litĂ© Ă ses convictions. Bernanos a tout sacrifiĂ© â sa famille, son confort, sa carriĂšre⊠â aux vĂ©ritĂ©s dont il sâest voulu le serviteur, rappelle François Angelier. Il nây a chez lui aucune porte dĂ©robĂ©e. »Si lâĂ©crivain dĂ©nonce compromis et compromissions, comme un briseur dâidoles, câest parce quâil ne renonce pas Ă transmettre le feu de lâĂvangile. Si nous venons Ă bout de notre tĂąche, ceux pour qui nous sommes nĂ©s et qui ne sont pas encore tireront de nos doutes leurs certitudes, car de cette tentation du dĂ©sespoir, qui forme la trame de nos vies, le temps fera jaillir une nouvelle source dâespĂ©rance », avait-il confiĂ© Ă un ami, en 1937. Ă nous donc, il espĂšre transmettre le courage de crĂ©er ».Se laisser aimanter par la libertĂ©Un souffle parcourt les Ă©crits de Bernanos, celui de la libertĂ©. Elle est la boussole de ses engagements, de ses indignations mais aussi lâhorizon vers lequel il ne cesse de marcher. La libertĂ© est pour lui enracinĂ©e dans la foi chrĂ©tienne lâhomme, image dâun Dieu dâamour, a Ă©tĂ© créé pour la libertĂ©, car lâamour sans la libertĂ© ne peut exister. Lâamour est un choix libre ou il nâest rien », rĂ©sume-t-il dâun trait dans La LibertĂ©, pour quoi faire ?.Toute son Ćuvre fait Ă©cho Ă la Lettre aux Galates, oĂč lâapĂŽtre Paul proclame Câest pour la libertĂ© que le Christ nous a affranchis » Ga 5,1. La libertĂ© vient du Christ, qui a brisĂ© les chaĂźnes â la fatalitĂ© des vies manquĂ©es, perdues, le destin, fatum â, toutes les fatalitĂ©s ensemble, celles du sang, de la race, des habitudes, et celles encore de nos erreurs ou de nos fautes » Les Enfants humiliĂ©s. Bernanos vient dâun monde philosophique oĂč on insistait beaucoup sur le dĂ©terminisme dĂ©terminisme des lois physiques, de lâespĂšce, de la race, qui a pour lui le sens de lâensemble social dont on est issu, rappelle Monique Gosselin-Noat. Lui affirme le caractĂšre central de la libertĂ©. » LâĂ©crivain nâignore pas que la libertĂ© est toujours entravĂ©e, prisonniĂšre, Ă©touffĂ©e, mais elle nâest pour lui jamais rĂ©duite Ă nĂ©ant. Jâignore quelle est ma part de libertĂ©, grande ou petite. Je crois seulement que Dieu mâen a laissĂ© ce quâil faut pour que je la remette un jour entre ses mains », fait-il dire Ă son hĂ©ros, le curĂ© dâAmbricourt, dans Journal dâun curĂ© de lâencontre dâun christianisme moutonnier ou conformiste, Bernanos croit Ă la grandeur de la libertĂ© individuelle. Le souci de cette libertĂ© se place pour lui au cĆur de la vie chrĂ©tienne, avant mĂȘme toute question de morale. Il ne sâagit pas de savoir si cette libertĂ© rend les hommes heureux ou si mĂȘme elle les rend moraux. Il ne sâagit pas de savoir si elle favorise plutĂŽt le mal que le bien, car Dieu est maĂźtre du Mal comme du Bien. Il me suffit quâelle rende lâhomme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation dâhomme », Ă©crit-il dans La France contre les que les autoritĂ©s religieuses concentrent leurs regards sur les pĂ©chĂ©s sexuels, le pĂ©chĂ© de servitude lui paraĂźt bien plus redoutable. Le vice de servitude va aussi profond dans lâhomme que celui de la luxure, et peut-ĂȘtre que les deux ne font quâun. » Sur les plans religieux et politique, la libertĂ© nâest jamais une question abstraite. Elle doit ĂȘtre mise en Ćuvre, car on perd la libertĂ©, faute de sâen servir » La France contre les robots.Retrouver lâesprit dâenfancePour Bernanos, lâespĂ©rance a un visage dâenfant. On retrouve dans ses Ă©crits les traces de pas de la petite fille espĂ©rance » cĂ©lĂ©brĂ©e par Charles PĂ©guy, cette petite fille de rien du tout ⊠qui traversera les mondes rĂ©volus » 2. Lâenfant est un maĂźtre, par la confiance quâil sait accorder, par sa sincĂ©ritĂ©, sa gĂ©nĂ©rositĂ©, sa simplicitĂ©, son audace, autant de traits qui caractĂ©risent Ă ses yeux la vie spirituelle et son esprit dâenfance ». Lâesprit dâenfance, câest un esprit dâabandon Ă Dieu, comme lâenfant fait confiance Ă sa mĂšre, sans trop penser au lendemain. Câest la simplicitĂ© au sens fort du terme, explique Monique Gosselin-Noat. Câest le refus de trop organiser sa vie, de la prendre trop en main. En mĂȘme temps, ce nâest pas un Ă©loge de lâimprĂ©voyance. Ce nâest pas du tout jouer Ă lâenfant. »Il nây a pas de nostalgie chez Bernanos, ni de regret dâune enfance perdue. Pour lui, lâenfant ne sâefface pas mais demeure en chacun. DissimulĂ© en la plupart des hommes, il ne demeure visible que chez les saints. Retrouver le chemin de lâespĂ©rance consiste donc Ă retrouver lâenfant en soi et Ă lui rester est toujours un gardien de lâespĂ©rance, car il conserve le secret de la vie lâamour donnĂ©. Lorsquâon se retourne vers sa propre enfance, quâon lâappelle de loin, si las non de vivre mais dâavoir vĂ©cu, elle nous rĂ©pond de sa voix douce âIl nây a quâune erreur et quâun malheur au monde, câest de ne pas savoir assez aimerâ », Ă©crit-il dans Nous autres français. Lâunivers bernanossien ne se rĂ©partit pas entre les bons et les mĂ©chants, mais, ce qui est tout diffĂ©rent, entre les saints, qui ont gardĂ© la fidĂ©litĂ© Ă lâenfance, et les malheureux qui lâont perdue. Dâun cĂŽtĂ© les puissances dâamour, oĂč se manifeste la survie de lâesprit dâenfance ; de lâautre cĂŽtĂ©, lâimpuissance Ă aimer », commente Albert BĂ©guin, directeur de la revue Esprit 1950-1957, qui fut son ami et lâun de ses premiers saints que Bernanos prĂ©fĂšre sont ceux qui sont restĂ©s enfants François dâAssise, Jeanne dâArc, ThĂ©rĂšse de Lisieux, Charles de Foucault⊠La Vierge Marie, elle-mĂȘme, est prĂ©sentĂ©e par le curĂ© de Torcy, dans Journal dâun curĂ© de campagne, comme la petite fille » du genre humain. Dans ses romans, les personnages qui sâapprochent le plus de la saintetĂ© â Donissan, Chevance, le curĂ© dâAmbricourt, Chantal de Clergerie⊠â sont des ĂȘtres restĂ©s enfants, sans habiletĂ©, sans imposture, sans lâhonneurSous la plume de Bernanos, il nây a pas dâespĂ©rance possible sans honneur, mais que faut-il entendre exactement par ce mot qui sonne aujourdâhui si vieille France » ? Lâhonneur nâa rien Ă voir avec les titres et les dĂ©corations qui manifestent lâhonneur social â lâĂ©crivain a dâailleurs refusĂ© quatre fois la LĂ©gion dâhonneur, au motif que les gens dâhonneur ne sont pas lĂ©gion », un fauteuil Ă lâAcadĂ©mie française, parce quâ il y a des vĂ©ritĂ©s quâon ne saurait dire ni mĂȘme Ă©crire en habit de carnaval ». Lâhonneur tel que Bernanos lâenvisage est ce qui fait quâon peut sâestimer lĂ©gitimement soi-mĂȘme, alors que la haine de soi est toujours le signe de lâenfer. Lâhonneur, pour Bernanos, câest lâestime de soi, le respect des valeurs qui sont importantes pour soi. Une fidĂ©litĂ© aux valeurs quâon a cru devoir Ă©lire. Mais cette fidĂ©litĂ© ne peut ĂȘtre totale que si on fait confiance Ă Dieu, indique Monique Gosselin-Noat. Toute rigiditĂ© pour rester fidĂšle Ă des valeurs vous Ă©carte du droit chemin. »Lâhonneur a indĂ©niablement, chez Bernanos le monarchiste, des accents chevaleresques. Ses figures historiques sont Jeanne dâArc, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle et les insurgĂ©s de juin 1940, mais lâhonneur sâincarne tout autant dans les fidĂ©litĂ©s les plus quotidiennes. Il nâest pas le fait des hĂ©ros, mais celui des saints, qui cherchent non pas Ă dĂ©passer la condition humaine, mais Ă lâassumer jusquâau bout, Ă lâimage du Christ. Au contraire, le diable, voyez-vous, câest lâami qui ne reste jamais jusquâau bout », Ă©crit-il dans Monsieur manquer dâhonneur ne condamne pas nĂ©cessairement. Car le salut ne se joue pas simplement sur le plan individuel. Câest un drame collectif, oĂč les ĂȘtres sont unis les uns aux autres. Bernanos croit en la communion des saints, quâil envisage comme une solidaritĂ© entre humains, par laquelle les mĂ©rites des uns peuvent venir pallier les faiblesses des rĂ©seau de liens invisibles est une source dâespĂ©rance, car de mystĂ©rieux Ă©changes peuvent ainsi avoir lieu, comme entre Mouchette la criminelle et le curĂ© de Lumbres dans Sous le soleil de Satan, entre lâabbĂ© Chevance et la petite Chantal dans La Joie, entre Blanche de la Force et la prieure Mme de Croissy dans Dialogues des carmĂ©lites. On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou mĂȘme les uns Ă la place des autres, qui sait ? » questionne Bernanos dans cette Ćuvre la source intĂ©rieureBernanos en est convaincu, la vie intĂ©rieure est une nĂ©cessitĂ© pour lâhomme. Ni le scientisme, ni le rationalisme, ni le psychologisme ne peuvent apporter de rĂ©ponses convaincantes au mystĂšre de sa destinĂ©e, Ă lâaffrontement du bien et du mal qui le dĂ©chire, Ă lâangoisse de la mort qui le tenaille, Ă la dĂ©livrance quâil peut bien Ă©touffer en lui la vie intĂ©rieure, elle demeure prĂ©sente, telle une source cachĂ©e dans les profondeurs de son ĂȘtre que rien ne peut empĂȘcher de sourdre. Dans La LibertĂ©, pour quoi faire ?, il dĂ©crit cette source avec lyrisme Elle est lĂ en chacun de nous, la citerne ouverte sur le ciel. Sans doute, la surface en est encombrĂ©e de dĂ©bris, de branches brisĂ©es, de feuilles mortes, dâoĂč monte parfois une odeur de mort. ⊠Mais au-dessous de cette couche malsaine, lâeau est tout de suite si limpide et si pure ! Encore un peu plus profond, et lâĂąme se trouve dans son Ă©lĂ©ment natal âŠ. La foi que quelques-uns dâentre vous se plaignent de ne pas connaĂźtre, elle est en eux, elle remplit leur vie intĂ©rieure, elle est cette vie intĂ©rieure mĂȘme par quoi tout homme, riche ou pauvre, ignorant ou savant, peut prendre contact avec le divin, câest-Ă -dire avec lâamour universel, dont la crĂ©ation tout entiĂšre nâest que le jaillissement inĂ©puisable. »Aussi importe-t-il pour chacun de descendre en ce lieu intime, alors que le pĂ©chĂ© nous fait vivre Ă la surface de nous-mĂȘme » journal, 24 janvier 1948. Bernanos lui-mĂȘme Ă©tait un homme de priĂšre, allant Ă la messe chaque jour et rĂ©citant le brĂ©viaire seul quand il Ă©tait empĂȘchĂ© dây Ă cette source est toujours lâobjet dâun combat spirituel et lâeffort est encore plus important Ă fournir dans la sociĂ©tĂ© technicienne », rĂ©gie par des logiques de rendement, de profit et de vitesse, contraires Ă la vie spirituelle. La sociĂ©tĂ© moderne conspire » contre cette vie intĂ©rieure avec son activitĂ© dĂ©lirante, son furieux besoin de distraction et cette abominable dissipation dâĂ©nergies spirituelles dĂ©gradĂ©es » La LibertĂ©, pour quoi faire ?.Sous la pression de la vie moderne, la vie intĂ©rieure prend progressivement un caractĂšre anormal » et risque dâĂȘtre remplacĂ©e par un vague retour sur soi la seule espĂšce de vie intĂ©rieure que le Technicien pourrait permettre serait tout juste celle nĂ©cessaire Ă une modeste introspection, contrĂŽlĂ©e par le mĂ©decin, afin de dĂ©velopper lâoptimisme », grince lâ fier Ă la pauvretĂ©La pauvretĂ©, Bernanos nâen parle pas de loin, en amateur, en curieux » â comme il prend soin de le prĂ©ciser dans Les Enfants humiliĂ©s â mais en connaissance de cause. Toute sa vie, il a refusĂ© non seulement le culte de lâargent, mais aussi dâordonner ses choix au confort de la vie matĂ©rielle. Il en aura payĂ© le prix. Ă de nombreuses reprises, sa correspondance Ă©voque les affres dans lesquels sa dĂ©cision de vivre de sa plume, sans se compromettre dans des publications secondaires alimentaires, lâaura plongĂ© avec sa Bernanos, la pauvretĂ© nâest pas la misĂšre, qui est un mal qui tue les hommes au fond de leur solitude, Ă la maniĂšre de la dysenterie, de la fiĂšvre ou du typhus », constate lâĂ©crivain, en 1940, du fond de ses terres brĂ©siliennes. ConsidĂ©rĂ©e positivement, la pauvretĂ© signale une vie placĂ©e sous le signe de lâEsprit et non de lâavoir. Celui qui est pauvre â dans lâordre de la pauvretĂ© », les degrĂ©s sont variĂ©s â ne compte pas sur lui-mĂȘme, ne prĂ©tend pas maĂźtriser le pauvretĂ© peut alors ĂȘtre une libĂ©ratrice et une protectrice. La pauvretĂ© mâa beaucoup moins imposĂ© dâĂ©preuves quâĂ©pargnĂ© de sottises, et si les pauvres â je dis les pauvres, non pas les misĂ©rables, hĂ©las ! â voulaient ĂȘtre sincĂšres, ils reconnaĂźtraient comme moi que leur PauvretĂ© en agit de mĂȘme avec eux, quâelle est la merveilleuse et gracieuse intendante non de leurs biens, mais de leur vie », tĂ©moigne le monde moderne, la pauvretĂ© est un dĂ©fi lancĂ© au culte idolĂątre de lâargent. DĂšs lors, lâespĂ©rance est liĂ©e au sort des pauvres, qui sont les pierres dâachoppement dâune sociĂ©tĂ© de lâefficacitĂ© et de lâavoir. LâespĂ©rance est au cĆur de la patience des pauvres », souligne Monique Gosselin-Noat. Câest Ă eux que lâĂ©crivain remet le salut du monde, car eux seuls nâont pas perdu lâhabitude de lâespĂ©rance dans un monde de dĂ©sespĂ©rĂ©s ». Le reste du monde dĂ©sire, convoite, revendique, exige, et il appelle tout cela espĂ©rer, parce quâil nâa ni patience, ni honneur, il ne veut que jouir et la jouissance ne saurait attendre ; lâattente de la jouissance ne peut sâappeler une espĂ©rance, ce serait plutĂŽt un dĂ©lire, une agonie. LâespĂ©rance est une nourriture trop douce pour lâambitieux, elle risquerait dâattendrir son cĆur. Le monde moderne nâa pas le temps dâespĂ©rer, ni dâaimer, ni de rĂȘver. Ce sont les pauvres qui espĂšrent Ă sa place », Ă©crit Bernanos dans Les Enfants humiliĂ©s. 1 Georges Bernanos. La colĂšre et la grĂące, Seuil, 640 p., 25 âŹ2 Le Porche du mystĂšre de la deuxiĂšme vertu, Gallimard, 192 p.,10,60 âŹ
TĂ©moin actif des plus grands Ă©vĂ©nements du 20Ăšme siĂšcle, Georges Bernanos fut, bien avant lâheure, un lanceur dâalerte » pour ses semblables et contre un monde en voie de dĂ©shumanisation. PĂšre de 6 enfants, fils dâune famille monarchiste, Bernanos fustige les impostures de son temps. 70 ans aprĂšs sa mort, le petit-fils et le petit-neveu de lâĂ©crivain, sâappuyant sur une collection de photos inĂ©dites, dâarchives et de correspondances, remontent le fil romanesque de sa vie et de son Ćuvre. DUREE 52 mnUn film Ă©crit et rĂ©alisĂ© par Yves BERNANOS et Jean-Pascal HATTUIMAGE JĂ©rĂŽme KEMPA â Louise BOKAY â Yves BERNANOSSON Olivier PIODA â Jean-Pascal HATTUMONTAGE Nicole BRAMEMUSIQUE ORIGINALE BĂ©atrice THIRIETVOIX COMMENTAIRE Olivier CLAVERIEVOIX GEORGES BERNANOS Nicolas VAUDE DiIFFUSION France 3 Hauts de France Sept 2019
bernanos histoire d un homme libre